Les hébergeurs ne veulent pas jouer les juges

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Depuis presque un an, les sociétés de gestion des droits d’auteur d’un côté, l’Afa et l’Afopt de l’autre, étaient en discussion autour de la mise en place d’une procédure de notification et de retrait des contenus illicites sur Internet. Ce mois-ci, les négociations ont finalement été rompues. Entre la LSI et la transposition de la directive européenne sur le commerce électronique, la responsabilité des hébergeurs est d’actualité.

« Les discussions entre les organisations représentant les titulaires de droits de propriété littéraire et artistique (auteurs, artistes, éditeurs et producteurs) et les représentants des fournisseurs d’hébergement (Association française des fournisseurs d’accès et de services Internet –  Afa – et Association française des opérateurs privés en télécommunications – Afopt) afin d’assurer la protection de la propriété intellectuelle sur Internet, entamées en juin 2000, ont dû être suspendues hier, » peut-on lire sur un communiqué publié à la mi-juin sur le site du Snep (Syndicat national de l’édition phonographique). A l’origine des discussions, la question de la responsabilité des hébergeurs soulevée par le projet de loi sur la liberté de communication (voir édition du 19 juin 2000), un texte censuré à la fin juillet 2000 par le Conseil constitutionnel (voir édition du 31 juillet 2000). Qui doit juger du côté illicite du contenu d’une page Web ?

C’est à l’initiative de l’Afa que se sont réunis autour d’une table les représentants des ayants droit et les opérateurs Internet afin de débattre du sujet. « Au début, il s’agissait surtout pour nous de leur expliquer les pratiques et les usages de nos membres », explique Marine Janiaud, l’assistante du délégué permanent de l’Afa, Jean-Christophe Le Toquin. De son côté, Frédéric Goldsmith, directeur juridique du Snep, rappelle la motivation des ayants droit pour « mettre au point avec les hébergeurs une procédure simple efficace de notification et de retrait des contenus illicites signalés par les ayants droit ». Actuellement, quand un ayant droit repère un contenu illicite sur une page personnelle (typiquement un disque en téléchargement), il adresse un courrier à l’éditeur et une copie à son hébergeur. « En général l’abonné fait diligence », explique Marine Janiaud. Si ce n’est toutefois pas le cas, l’hébergeur retourne vers l’abonné en lui rappelant qu’il a reçu un courrier, de la Sacem par exemple, et il lui demande à nouveau de retirer le contenu illégal. « En pratique, le problème se résout », soutient la représentante de l’Afa. Autant dire qu’il s’agit surtout de la défense d’un principe que d’un réel problème de piratage à grande échelle. Par ailleurs, l’hébergeur a toujours la possibilité de couper le service à son abonné sur la base des conditions générales d’utilisation. « Il est clair que couper sur demande d’un tiers nous pose problème », admet Marine Janiaud, qui souligne comme « l’appréciation de la nature illicite d’un contenu » est délicate en citant le cas de la diffamation. « Il en est de même pour les contenus pirates », ajoute-t-elle.

Un juge pour chaque conflit ?

« Au bout de longs mois de discussion, pour des raisons obscures, un désaccord s’est fait jour sur le principe même de la responsabilité », raconte pour sa part Frédéric Goldsmith qui souligne le « désaccord sur le fond ». « Ils exigent systématiquement une décision de justice » reproche-t-il aux hébergeurs, « pour nous, il y a méconnaissance fondamentale du principe de responsabilité des professionnels. On n’attend pas la décision d’un juge pour respecter la loi. »

Les ayants droit voulaient mettre en place un protocole de coopération. Soit, répondent les hébergeurs, mais en ajoutant des garanties contre les litiges : ils ne veulent pas prendre le risque d’être poursuivis pour avoir coupé un site sur une demande émanant « de tiers qui peuvent se tromper », ainsi que le souligne Marine Janiaud. C’est la raison pour laquelle ils ne le font que sur « une injonction du juge » ou en se référant « aux conditions générales d’utilisation ». Parallèlement, l’Afa et l’Afopt réclamaient l’ouverture d’un « site pédagogique d’information » afin de renseigner les internautes sur leurs droits et sur la manière d’obtenir l’autorisation de mettre à disposition du contenu soumis au droit d’auteur. « Les représentants des ayants droit n’ont pas pu le faire », regrette Marine Janiaud.

D’un côté comme de l’autre, on se dit « prêt à reprendre les discussions », peut-être le chantier de la loi sur la société de l’information (voir édition du 6 avril 2001) et la transposition de la directive européenne sur le commerce électronique obligeront les protagonistes à se rasseoir autour de la même table.