Microsoft et Sun se réconcilient sur le dos de Linux

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Coup de théâtre : les deux ennemis irréductibles, Microsoft et Sun Microsystems, ont décidé d’apurer leurs différents et d’oeuvrer à améliorer la compatibilité de leurs produits respectifs. Objectif : contrer la montée du logiciel libre.

Après de nombreuses années de lutte frontale, Microsoft et Sun Microsystems ont scellé une entente cordiale, le second renonçant à poursuivre le premier pour pratiques anticoncurrentielles, moyennant le versement de 700 millions de dollars. A cela s’ajoute 900 millions de dollars destinés à résoudre d’anciens problèmes de brevet. Rappelons que Sun et Microsoft ont été en conflit notamment à propos de Java, Microsoft ayant intégré dans son navigateur une machine virtuelle Java (logiciel permettant l’exécution d’applications développées en Java) incompatible avec celle de Sun (voir édition du 10 décembre 2003). D’autre part, les deux groupes informatiques se sont engagés pour les dix ans à venir à se verser mutuellement des royalties afin d’assurer la compatibilité de leurs produits respectifs. A ce titre, Microsoft versera d’emblée 350 millions de dollars à Sun, qui bénéficie donc, au total, d’un apport de fonds de près de 2 milliards de dollars, soit près de quatre fois le montant de l’amende infligée par l’Union Européenne à Microsoft pour abus de position dominante (voir édition du 23 mars 2004). Si Sun a décidé de capituler face à Microsoft, c’est peut-être parce qu’il n’avait plus les moyens de poursuivre plus avant sa stratégie d’opposition systématique à Microsoft, eu égard à une situation financière qui n’a cessé de se dégrader depuis l’éclatement de la bulle Internet il y a trois ans. Parallèlement à l’annonce du règlement à l’amiable de ses différends avec Microsoft, Sun a en effet communiqué ses résultats financiers pour le trimestre clos fin mars ; ils font état d’une perte nette comprise entre 750 et 810 millions de dollars sur un chiffre d’affaires de 2,65 milliards de dollars. Une situation qui entraînera la suppression de 3300 postes, soit 10% des effectifs de Sun.

Réduire le clivage Java vs ?NET

Cela dit, l’accord conclu entre Microsoft et Sun ne se contente pas de solder les conflits anciens et présents ; comme on l’a évoqué plus haut, il ouvre la perspective d’une amélioration de la compatibilité entre les produits de l’un et de l’autre, ce qui est à priori une bonne nouvelle pour leurs clients. Les deux ennemis d’hier commenceront par renforcer la compatibilité de leurs systèmes d’exploitation pour serveurs. Côté PC, Sun a signé un accord de licence pour pouvoir utiliser les protocoles de communication de Windows, lesquels ont été mis en place par Microsoft à la demande du département de la Justice américain au titre du règlement à l’amiable du procès intenté contre l’éditeur en 1995 (voir édition du 19 janvier 2004). Sun a en outre obtenu une certification Windows pour ses serveurs Xeon et le processus d’obtention est en cours pour les serveurs Opteron. De son côté, Microsoft intégrera dans Windows une machine virtuelle Java. Enfin, les deux nouveaux partenaires travailleront à l’avenir à établir une meilleure collaboration technique entre Java et ?NET.

Le bon choix

Pour de nombreux observateurs, l’alliance entre Microsoft et Sun est une pierre dans le jardin de Linux et plus généralement du mouvement du logiciel libre. Les deux partenaires ont en effet insisté sur l’importance qu’ils accordent tous deux à la notion de propriété intellectuelle appliquée au logiciel, ce qui équivaut à une condamnation implicite du logiciel libre. En outre, en faisant miroiter une parfaite compatibilité entre leurs produits respectifs, laquelle devrait se traduire pour les entreprises par des coûts d’administration réduits, ils cherchent clairement à limiter l’attrait des alternatives open source. Cette stratégie n’a rien d’étonnant dans le cas de Microsoft qui s’est toujours posé en ennemi du logiciel libre. Sun, quant à lui, a eu une position ambivalente sur le sujet, même s’il a été à l’origine de quelques projets open source. En se rapprochant de Microsoft, il semble avoir choisi son camp. L’avenir dira s’il a fait le bon choix.