Microsoft/DoJ : un accord contesté

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Les réactions hostiles à l’accord signé entre Microsoft et le gouvernement américain sont nombreuses, qu’il s’agisse des concurrents de la firme de Bill Gates ou des Etats impliqués dans la procédure ayant refusé de le valider.

En quelques jours, l’accord signé entre le gouvernement américain et Microsoft aura fait couler beaucoup d’encre. Les voix des concurrents du géant des logiciels se sont, sans surprise, élevées pour dénoncer un règlement à l’amiable jugé trop favorable à la firme de Bill Gates. Cité par le New York Times, le conseiller juridique de RealNetworks, Kelly Jo MacArthur, résume un sentiment qui semble partagé par de nombreux acteurs du secteur : « Bien que nous comprenions les nombreuses inquiétudes auxquelles le ministère de la Justice a dû faire face en parvenant à cet accord, il s’agit d’une récompense [pour Microsoft], non de réparations. » On peut en effet s’étonner que l’accord ne prévoie aucun dédommagement et n’inflige aucune sanction économique à Microsoft alors que la société a été reconnue coupable de pratiques monopolistiques. De plus, les garde-fous prévus dans l’accord sont jugés trop timides.

D’après Thomas Reilly, attorney general (procureur général) du Massachusetts – l’un des premiers à marquer son opposition – l’accord permettrait à Microsoft d’« écraser tous ses concurrents, avec l’imprimatur [autorisation officielle, Ndlr] du gouvernement américain ». « C’est très, très dérangeant », ajoute-t-il. Le procureur du Connecticut estime pour sa part qu’il existe des « brèches et des ambiguïtés potentielles dans cet accord » qui devraient être évaluées face « aux risques et aux coûts d’un procès ». Le plan d’accord du ministère de la Justice « représente un progrès, mais la question est de savoir si le progrès est suffisant et acceptable », explique-t-il, cité par le Boston Globe. Le Connecticut et le Massachusetts font partie des neuf Etats qui ont refusé de signer l’accord. Le médiatique Kenneth Star, connu pour l’affaire Lewinsky, oeuvre désormais pour ProComp (Promote competition and innovation in the digital age), une association d’industriels du logiciel opposée à Microsoft. « Il y a de très bons économistes qui travaillaient à mes côtés dans l’administration Reagan qui considèrent que tout cela est léger, très léger », confie-t-il, cité par MSNBC. D’après l’ancien magistrat, le juge Colleen Kollar-Kotelly pourrait très bien à la fois approuver le règlement à l’amiable et ordonner des sanctions plus strictes à l’égard de Microsoft. « Ce serait quelque peu inhabituel et embarrassant pour le ministère de la Justice, mais je crois que c’est ce qui va se passer », explique-t-il.

Y a-t-il eu des pressions politiques ?

L’administration Bush est montrée du doigt pour sa gestion du dossier, les concurrents de Microsoft évoquent des pressions politiques de la part de la firme de Bill Gates et de membres de l’administration ne dépendant pas du ministère de la Justice. Charles James, le responsable de la division antitrust, s’est vigoureusement dressé contre ces allégations. « Il n’y a eu aucune influence politique ou autre dans ce processus », affirme-t-il, cité par le New York Times, « il s’agissait d’une décision antitrust. Nous avons réalisé beaucoup de bonnes choses. Même les Etats qui n’ont pas signé n’ont pas dit que nous avions fait quoi que ce soit d’incorrect. Il n’y a aucune collusion ici. » On est loin tout de même de la décision de première instance qui ordonnait la scission de Microsoft en deux entités distinctes (voir édition du 8 juin 2000). Même si ce jugement a été en partie annulé en appel (voir édition du 28 juin 2001), les magistrats ont conclu que Microsoft était coupable.

Les observateurs soulignent notamment que ce n’est pas parce que les fabricants d’ordinateurs auront désormais la possibilité d’installer les logiciels concurrents de ceux de Microsoft sur leurs machines sous Windows qu’ils vont le faire. L’exemple le plus fréquemment évoqué est celui d’Internet Explorer dont Microsoft avait rendu la présence de l’icône sur le bureau de Windows subitement facultative. Au final, aucun constructeur ne l’avait enlevée. Autre argument dénonçant la faible portée de cette ouverture de Windows à la concurrence : il est beaucoup plus simple d’utiliser une solution intégrée. Or, le système d’exploitation de Microsoft comporte en effet toute une batterie d’applications « maison » qui vont de la messagerie instantanée au lecteur multimédia en passant par le logiciel de montage vidéo. Il n’est pas certain que ses utilisateurs soient enclins à installer les solutions des concurrents, même si celles-ci ne sont pas toujours payantes. Enfin, certains s’interrogent sur la volonté du gouvernement américain de faire respecter l’accord et laissent entendre que Microsoft a déjà violé un accord passé avec le ministère de la Justice en 1994.

Stratégie payante pour Microsoft

Durant le procès, Microsoft semble avoir tout fait pour gagner du temps. Une stratégie qui paraît lui avoir été bénéfique, puisque l’ultimatum posé par le juge Kollar-Kotelly a visiblement poussé le gouvernement à davantage de concessions. Microsoft aura également profité du contexte de l’après-attentats et de la crise économique qui secoue le secteur de l’informatique, poussant les autorités à plus de clémence. Tout en guettant la suite de la procédure américaine avec les Etats ayant refusé de signer l’accord, les regards se tournent désormais vers la procédure engagée par la Commission européenne.