Neutralité du Net : la position nuancée du Conseil d’Etat

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La plus haute juridiction administrative de France se montre défavorable au principe d’une stricte neutralité telle que votée par les eurodéputés.

Ce mardi 9 septembre, le Conseil d’Etat rendait publique son étude annuelle consacrée au numérique et aux droits fondamentaux.

Ce rapport de 446 pages est destiné à alimenter la concertation qui précède l’examen – prévu pour 2015 – du projet de loi sur le numérique cher à Axelle Lemaire. La plus haute juridiction administrative française chargée de conseiller le gouvernement pour la préparation des projets de loi, ordonnances et décrets y formule 50 propositions… dont certaines peuvent surprendre.

La première porte sur la reconnaissance du droit à « l’autodétermination informationnelle ». En d’autres termes, le droit, pour chaque individu, de décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel. A noter que le Conseil d’Etat s’oppose toutefois à une inscription des données personnelles dans le champ du droit de propriété « patrimonial » des personnes.

Pas moins de six propositions – nos 4, 11, 13, 14, 19 et 25 – traitent du renforcement du rôle de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés). Il s’agirait, dans ce cadre, de « développer le contrôle des algorithmes par l’observation de leurs résultats, notamment pour détecter des discriminations illicites, en renforçant à cette fin les moyens humains dont dispose la CNIL« .

Le Conseil d’Etat aborde aussi, dans sa proposition numéro cinq, la question du « droit au déréférencement » reconnu par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 13 mai dernier. Il est préconisé de confirmer cette approche tout en donnant aux éditeurs des sites concernés la possibilité de faire valoir leurs observations.

Neutralité du Net : des réserves

L’un des gros volets de ce rapport concerne la neutralité du Net. Et le Conseil d’Etat émet de nombreuses réserves à ce sujet. Dans sa proposition no 2, il affirme vouloir consacrer la neutralité des opérateurs de communications électroniques dans les termes votés le 3 avril 2014 par le Parlement européen… mais il se montre notamment défavorable au retour d’une stricte neutralité (égal accès au réseau, sans restriction, ni discrimination) telle que votée par les eurodéputés.

Parmi les mesures préconisées, « revenir à la définition des mesures de gestion du trafic de la proposition de la Commission » et « à la définition plus large des ‘services spécialisés’ [ou « services gérés », ndlr] ». Cette résolution s’inscrirait dans le nouveau paquet télécoms proposé par Bruxelles en septembre 2013 et qui offre aux opérateurs la possibilité de fournir des services « premium » à débits élevés garantis… pour ceux qui en ont les moyens.

Le Conseil d’Etat ne regrouperait donc plus seulement, sous l’appellation « services spécialisés », ceux « offrant une fonctionnalité nécessitant une qualité supérieure de bout en bout ». La définition engloberait aussi « tout service garantissant une qualité supérieure à celle de l’Internet ». Une nuance de taille, comme le note Silicon.fr.

Dans le prolongement de cette réflexion, le Conseil d’Etat se prononce pour le droit des opérateurs d’exiger, dans le cadre d’une facturation asymétrique, un paiement des fournisseurs de contenus, dès lors que ces derniers représentent une part significative du trafic. En tête de liste, les groupes américains YouTube et Netflix. Ces propositions font écho à celles de la FCC (« Federal Communications Commission »). Le régulateur télécoms américain envisage d’autoriser les opérateurs et FAI à prioriser le trafic de fournisseurs de contenus avec lesquels ils auront passé des accords commerciaux.

Le Conseil d’Etat suggère par ailleurs, dans sa proposition no 3, de classer les « plates-formes » dans une catégorie juridique distincte de celle d’autres intermédiaires techniques. Google, Apple, Facebook, Amazon et consorts « devraient être soumis à un principe de loyauté, [mais ne sauraient] être soumis à la même obligation de neutralité que les opérateurs de communications électroniques. » Une approche différente de celle du Conseil national du numérique (CNNum), qui recommandait, fin juin, d’étendre le principe de la neutralité aux plates-formes, tout en ouvrant la porte aux exceptions.

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Crédit photo : Ilyarexi – Shutterstock.com

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