Noms de domaine : l’Icann joue sa crédibilité
Le meeting annuel de l’Icann se tiendra du 13 au 16 novembre en Californie. Au menu : les nouveaux noms de domaine de premier niveau, mais aussi ceux « internationalisés », aux adresses comprenant des accents ou des idéogrammes. Un sujet complexe sur lequel l’Icann doit absolument affirmer ses prérogatives.
Le « gouvernement d’Internet », comme certains ont surnommé l’Icann (Internet corporation for assigned names and numbers) se réunit la semaine prochaine pour son meeting annuel. Après des élections contestées, l’organisation doit encore convaincre de sa légitimité. Elle doit notamment se prononcer sur des questions essentielles concernant les noms de domaine, avec l’introduction de nouveaux noms de premier niveau autres que « .com », « .net » ou « .org », par exemple. Mais elle doit aussi dès lundi, avancer sur l’épineux dossier des noms de domaine « internationalisés » (IDN pour Internationalized domain names). Ces derniers comportent des caractères non ASCII : accentués ou provenant d’alphabets non latins comme l’arabe ou le chinois.
Or aujourd’hui, Verisign, l’une des plus grandes sociétés chargées d’enregistrer les noms de domaine sur Internet, lançait des enregistrements « tests » en Chine. L’Internet Society, organisation dont fait partie l’IETF (Internet engineering task force) chargée des standards du Web, s’insurgeait contre ces tests en déclarant qu’ils étaient prématurés et qu’il fallait laisser le temps à l’IETF de définir des standards (voir édition du 9 novembre 2000). L’Icann a d’ailleurs supporté le point de vue de l’Internet Society.
En fait, les IDN existent déjà depuis parfois plusieurs années sur certains domaines d’Internet. Ainsi le « .nu » accepte tous les caractères d’Europe de l’Ouest, comme les lettres accentuées des langues nordiques, par exemple. On apprend que le site « www.alliancefrançaise.nu » existe bel et bien et avec une cédille. Malheureusement le navigateur de tout un chacun ne peut pas accéder au site.
On touche là le risque énorme posé par ces noms de domaine. Si un standard n’est pas mis en place, Internet va se trouver morcelé entre des zones linguistiques, séparé par des jeux de caractères. Tout le monde a déjà reçu un e-mail au corps de texte incompréhensible, les incompatibilités de langues sautent alors aux yeux. Passe encore, le document est difficilement lisible tel quel, mais il est bien arrivé. Avec les IDN, le document pourrait bien ne jamais arriver.
L’IETF est donc en train d’élaborer des standards, mais ceux-ci ne seraient pas encore au point. La branche française de l’organisation ne semble pas très au fait de la question, ce qui ne l’empêche pas de souligner les enjeux du sujet. Même chose du côté de l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) chargé du nommage du « .fr ». Les membres du chapitre français de l’Internet Society ne paraissent pas plus capables d’indiquer qui fait quoi sur les IDN. Le flou règne, mais tous s’accordent pourtant sur un point : l’Icann doit trancher la question. L’organisation est la seule habilitée à déterminer les missions des uns et des autres. Surtout elle doit parvenir à imposer une direction commune, qui passe forcément par des standards. « Jusqu’à aujourd’hui, on a l’impression que les réunions de l’Icann servent à déterminer les ordres du jour des prochaines réunions » lance un observateur, « cette réunion de l’Icann est déterminante, si elle ne parvient pas à des résultats concrets sa légitimité sera remise en question », conclut-il.