Peer-to-peer : le débat s’envenime en France

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L’Alliance Public-Artistes relance l’idée d’une licence globale tandis qu’une commission du gouvernement rend les éditeurs P2P hors-la-loi.

A l’approche des débats parlementaires autour du projet de loi sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), les divergences de vue s’accentuent.

A l’occasion d’une conférence de presse tenue mercredi 7 décembre, l’l’Alliance « Public-Artistes », qui réunit associations de consommateurs, utilisateurs et représentants des artistes-interprètes, vient de rendre public un rapport réalisé en juin 2005 pour l’Alliance par l’Institut de recherche en droit privé de l’Université de Nantes sous la direction du professeur André Lucas.

Ce document (PDF) de 85 pages valide la faisabilité juridique de la proposition de licence globale. Laquelle « propose une évolution nécessaire du Code de la propriété intellectuelle afin de légaliser les échanges non commerciaux d’oeuvres entre particuliers et de garantir en contrepartie une rémunération équitable des artistes ».

Notamment soutenue par le député (UMP) Alain Suguenot (voir édition du 2 septembre 2005) et nombre de parlementaires de tous bords, la mise en place de la licence globale permettrait donc aux internautes qui le souhaitent de télécharger librement sur Internet des oeuvres artistiques en échange d’une contribution forfaitaire dont la collecte serait à la charge du fournisseur d’accès.

La licence globale serait donc optionnelle pour les internautes et ne viendrait pas pour autant se substituer au droit de rémunération exclusif des oeuvres.

Les éditeurs de logiciels P2P sont-ils des contrefacteurs ?

Mais l’industrie du disque ne l’entend pas de cette oreille. Dans un communiqué, les producteurs phonographiques estiment que la licence globale est une « solution à la fois juridiquement contraire aux textes internationaux et européens et économiquement irréaliste ».

Ils se félicitent d’ailleurs que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), organe consultatif du ministère de la Culture, « écarte notamment toute perspective d’une ‘licence globale’ qui légaliserait les échanges illicites de fichiers en peer-to-peer ». Alors même que les résultats des travaux du CSPLA n’ont pas encore été rendus public.

Toujours par voie de communiqué, l’industrie du disque nous apprend que le CSPLA soutient un texte qui « assimilerait à des contrefacteurs les éditeurs de […] logiciels [d’échange peer-to-peer] qui sont manifestement destinés à la contrefaçon ». La position définitive du CSPLA pourraient être reprise par le gouvernement dans le cadre des discussions parlementaires sur le projet de loi DADVSI. Elle confirme les craintes des éditeurs de logiciels libres exprimées notamment par EUCD.info (voir édition du 28 novembre 2005).

« Travaux soumis à un groupe de pression »

Au cours de sa conférence de presse, l’Alliance n’a pas hésité à dénoncer les collusions qui persisteraient entre le CSPLA et l’industrie du disque.

Les travaux de la Commission « ont été […] entièrement soumis à la volonté d’un groupe de pression ayant pour objectif de cloisonner l’exercice des droits au bénéfice des éditeurs, des producteurs et des distributeurs ». Groupe de pression qui « détient la majorité des voix au sein de la Commission du CSPLA » et animé par « la Sacem, le Snep, la SCPP, Universal, Microsoft, la Procirep, la SPPF et l’UFPI ».

Résultat, la voie de la répression et du contrôle des oeuvres par le biais des mesures technique de protection numérique (DRM) « apparaît dans ce rapport [du CSPLA] comme la seule viable ».

Si les députés, y compris ceux de la majorité, opposés à cette seule solution technico-répressive des échanges en ligne se mobilisent à l’occasion des discussions parlementaires de la loi toujours prévues les 20 et 21 décembre, l’ambiance risque d’être pour le moins animée.