Présidentielles 2007 : 2000 machines électroniques à voter installées

Mobilité

Près de 1,5 million de français utiliseront des machines pour voter lors de
l’élection présidentielle. Un système validé par le Conseil constitutionnel qui
fait grincer des dents.

Comme annoncé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel et le ministère de l’intérieur, 2 000 machines à voter (appellation générique) seront utilisées lors de l’élection présidentielle 2007, dont le premier tour se déroulera dimanche. Pour se faire, les français concernés utiliseront l’un des trois modèles homologués par le ministère de l’intérieur : « Point de vote » d’Indra Sistemas, « ESF1 » de Nedap et iVotronic d’ES&S Datamatique, qui ont respectivement été agréées en mai 2004, mars et octobre 2005.

Le rôle de la machine à voter, selon le règlement technique diffusé par le ministère, est triple : elle doit assurer la dématérialisation du vote, l’automatisation du dépouillement et la centralisation du résultat. Sont toujours à la charge du personnel des bureaux de vote la vérification de l’identité de l’électeur, son droit à voter et la collecte des signatures sur le registre d’émargement.

Enregistrer facilement les votes des électeurs

Sur le papier, chaque électeur peut voter sur cette machine de façon dématérialisée, le dépouillement sera quasiment instantané, sans risque d’erreur humaine, et les résultats transférés automatiquement vers un serveur central sécurisé qui compilera les informations. En outre, chaque machine doit disposer d’un module de contrôle, un dispositif de supervision mis à la disposition des présidents de bureau de vote pour assurer le contrôle du système.

Chaque matériel doit donc théoriquement respecter de nombreux principes parmi lesquels l’exactitude du décompte, la sécurité des données, le secret du choix de chaque électeur, la transparence, la neutralité, la simplicité et l’accessibilité du système, la confidentialité du vote ou encore la rentabilité économique. Le règlement technique détaille les 114 critères exigés pour qu’une machine puisse être agréée.

Des spécificités qui concernent l’ensemble des étapes du vote (préparation, ouverture, déroulement, clôture, dépouillement, concentration des résultats), mais surtout son fonctionnement détaillé (performances, affichage des informations, commande de la machine, conception, mode d’emploi, sécurité, équipements exigés, contraintes environnementales). Une centaine de points de détails dont le but est de déployer une solution sécurisée permettant d’enregistrer facilement les votes des électeurs et de compiler rapidement les résultats.

82 communes déjà équipées

Les trois modèles de machine à voter sont commercialisés depuis près de trois ans et 82 communes de plus de 3 500 habitants (dont Brest, Le Havre, Boulogne-Billancourt, Antony, Issy-les-Moulineaux, Mulhouse, Orange, Suresnes, etc.) s’en sont déjà procurées une. Cela concerne plus d’un million et demi d’électeurs. Cet investissement devrait servir non seulement aux élections présidentielles et législatives de 2007, mais également à tous les rendez-vous de la vie politique française (régionales, cantonales, municipales, européennes, sénatoriales, territoriales et autres référendums).

C’est lors des précédentes élections présidentielles, en 2002, que deux expérimentations ont conjointement eu lieu : à Mérignac (Gironde) et à Vandoeuvre-les-Nancy (Meurthe-et-Moselle). Deux opérations qui ont reçu un réel succès de la part des électeurs, notamment des seniors qui, selon les constatations, ont rapidement adopté ce système de vote. Pourtant celle de Vandoeuvre, menée en collaboration avec l’entreprise américaine Election.com, avait failli être bloquée par la Commission nationale de l’informatique et de libertés (CNIL). Raison invoquée alors : elle ne remplissait pas « les conditions minimales qui rendraient une telle expérimentation utile ».

De nombreux détracteurs et plaintes

Cinq ans plus tard, les détracteurs sont toujours plus nombreux. Dernière action en date : une plainte a été déposée collectivement par certains habitants d’Issy-les-Moulineaux au tribunal administratif de Versailles pour contester la décision de la mairie d’user de machines à voter que les plaignants affirment être d’un modèle non validé par le ministère de l’Intérieur. Vingt-quatre heures plus tard, les machines ont été remplacées par d’anciens modèles agréés mais les habitants ne décolèrent pas.

Pour relayer la parole des opposants, un site Internet développé par un collectif d’informaticiens s’est dédié à la lutte contre les machines de vote : Ordinateurs-de-vote.org. La vocation de ce site est de récupérer le maximum de signature pour que les machines de vote soient rapidement abandonnées pour revenir aux bulletins papier.

Quelque 63 000 signatures ont été recueillies depuis son ouverture, des Internautes convaincus par les arguments avancés par le collectif : le manque de clarté dans le fonctionnement des modèles agréés et le manque de contrôle des citoyens du déroulement du scrutin. Ordinateurs-de-vote.org rappelle également que ces machines ne sont pas remises en cause uniquement en France mais également aux Etats-Unis, où le vote électronique fut à l’origine d’une controverse lors des élections présidentielles de 2004, ou encore en Belgique et en Irlande, où ce système pourrait prochainement être abandonné.

Certains universitaires condamnent également le système, comme Chantal Enguehard qui a réalisé, avec l’aide de scientifiques, pour la faculté de Nantes un rapport sur le vote électronique. Dans ce document, elle constate qu’une fois le vote est validé, l’électeur n’a aucun moyen de vérifier que sa voix a bien été prise en compte. Il n’y a aucun support physique gardant trace de chaque vote. En outre, plusieurs aspects du fonctionnement de ces machines échappent totalement aux citoyens : le décompte des voix, les risques de dysfonctionnements non aberrants, etc.

Les politiques ne sont pas en reste : huit partis ont également pris position contre le vote électronique, notamment Les Verts, l’UDF, le PS, le PC et le FN. Leurs revendications sont les mêmes : la sécurité et l’opacité des machines.

Le Conseil constitutionnel fervent partisan

Le Conseil constitutionnel défend naturellement le projet. Dans son communiqué diffusé fin mars, il rappelle que les machines répondent à trois besoins distincts mais complémentaires : économique d’abord, grâce à la baisse des coûts d’organisation du scrutin, environnemental ensuite, grâce à l’élimination du papier dans le processus de vote, et citoyen enfin en apportant aux personnes handicapées un accès facilité aux opérations de vote.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel souligne que l’homologation est rigoureuse et délivrée par un organisme de certification indépendant, que les machines à voter agréées par le ministère de l’Intérieur n’ont jamais donné lieu en France à aucun contentieux et qu’elles ont donné « parfaite satisfaction » sur tous les scrutins antérieurs en 2004 et 2005. 2007 sera-t-elle l’année d’acceptation définitive des machines à voter ou bien signera-t-elle leur rejet massif? Réponse dans quelques semaines.