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IT et respect de l’environnement : deux notions compatibles ?

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Olivier Berthelier, DSI de Limonetik

Le monde de la Tech est en pleine expansion. Il contribue à l’importance de la consommation énergétique du numérique qui équivaut à 10% de la consommation électrique mondiale. Ce chiffre ne cesse d’augmenter et pose question. Nos activités numériques sont énergivores : elles représentent près de 4% de nos émissions de gaz à effet de serre. Les conséquences de l’industrie digitale sur notre environnement sont de plus en plus pointées du doigt avec pour triste corollaire un « greenwashing » de plus en plus présent. Peut-on parler d’activité numérique vertueuse ? 

La réponse n’est pas évidente mais à défaut d’avoir des certitudes, nous pourrions essayer d’éveiller nos consciences afin de penser les conditions d’une activité numérique responsable ? IT et respect de l’environnement sont-elles deux notions compatibles ? 

Un impact global pas toujours évident à mesurer.

A l’heure du réchauffement climatique, notre mode de vie digital est de plus en plus décrié. Aujourd’hui, nous avons l’habitude de tout avoir au bout des doigts : vidéos sur Youtube, séries en haute définition sur Netflix, réseaux sociaux en tous genres, etc. Quant au commerce en ligne, certains vantent les bienfaits pour l’environnement de l’optimisation logistique mais d’autres lui reprochent de favoriser les achats d’impulsion. Au global, les applications sont de plus en plus gourmandes, les échanges de medias toujours plus volumineux, impliquant des infrastructures de plus en plus puissantes. Ces applications sont par ailleurs de plus en plus immiscées dans notre quotidien pour un usage quasi ininterrompu.

Ainsi, d’après le média ConsoGlobe, engagé dans la protection de l’environnement, la consommation des data centers serait de 104 milliards de kWh en 2020. Ce chiffre alarmant est en constante croissance. En 2018, le think tank The Shift Project établissait un constat sans appel : la croissance exponentielle du numérique constitue un danger pour la planète. L’empreinte énergétique directe des serveurs, des réseaux et des terminaux, progresse de 9% par an. Sans parler des composés rares utilisés pour permettre aux systèmes électroniques et aux batteries de fonctionner et encore très difficiles à recycler proprement.

Mais d’un autre côté, le digital permet de faciliter les communications entre les continents, permet de monter des vidéo-conférences de très haute qualité évitant ainsi le déplacement des participants. Le BigData et l’avènement de l’intelligence artificielle ne seront pas sans impact également. Ils seront d’un côté certes très consommateurs en énergie mais d’un autre pourront aussi nous aider à optimiser énormément de décisions qui auraient pu avoir un impact environnemental bien plus important sans leur aide : gestion intelligente des stocks pour lutter contre le gâchis, optimisation d’un réseau de distribution d’énergie, faciliter l’éco-conception des produits en analysant les multiples contraintes de production, de recyclabilité des matériaux, optimiser l’irrigation d’un champ, etc., les exemples d’applications vertueuses ne manqueront pas. 

Bref à l’instar de tous les outils puissants, tout dépend de l’usage qui en est fait.

N’ayons pas peur des résultats ! Quel progrès voulons-nous en tirer ? 

Bien souvent, les acteurs de la Tech font l’autruche face aux problématiques environnementales et sociales. Il faut se méfier de nos dissonances cognitives. En d’autres termes, en psychologie sociale, il s’agit de la tension interne que ressent une personne lors d’une contradiction, d’un biais du cerveau qui va essayer de rationaliser les choix qui nous arrangent. Toutes les stratégies d’évitement que met en place l’Homme pour minimiser un conflit cognitif. 

Pourtant ce serait une grave erreur de céder à cette envie de se voiler la face. Ce n’est pas parce que les nouvelles technologies nous permettent d’assouvir nos besoins d’instantanéité, facilitent nos interactions et créent de nouveaux paradigmes (depuis 2012 Internet est considéré par l’ONU comme un droit fondamental), qu’il faut cacher le revers de la médaille. Au contraire ! Il est absolument nécessaire d’avoir conscience de son activité et de ses conséquences. Il faut que chaque acteur regarde son propre impact. Il ne s’agit pas non plus de cacher son activité derrière des palissades vertes. Une charte RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ne suffit pas à dédouaner une entreprise. Prenons garde au phénomène du greenwashing, il faut faire plus que trier ses déchets pour être responsable.

Quid de notre responsabilité ?

En tant qu’acteur de la Tech, il est primordial de se poser les bonnes questions. L’objectif n’est pas de s’acheter une conduite mais de rentrer dans une démarche de sincérité. La prise de conscience des conséquences des actions de l’Homme sur la planète nous force plus que jamais à réfléchir sur nous-mêmes et nos activités. Jouer selon les règles du jeu imposé par notre système de législatif est certes nécessaire mais n’est plus suffisant, car ce système législatif n’intègre pas assez vite les contraintes qui pèsent sur notre environnement. Il est de la responsabilité de chacun de se poser les questions qui peuvent déranger, sans dissonance cognitive. 

Hans Jonas publie en 1979 le Principe responsabilité. Dans cet ouvrage, Jonas pense la responsabilité à l’égard de l’humanité à venir : une responsabilité pour autrui. Cette idée morale et métaphysique pousse à tendre vers les objectifs du développement durable. Il faut accepter que la révolution numérique croise la révolution de la transition écologique. Acceptons de dire que nos activités sont polluantes. Et alors trouvons à la confluence des deux révolutions un dialogue qui promeut à la fois la puissance du numérique et l’importance de l’environnement.

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? 

Il n’y a pas de coupable à pointer du doigt, le secteur IT a des impacts positifs et négatifs sur le registre social, environnemental et économique. Chaque acteur est responsable, et les entreprises IT ne font pas exception à la règle, bien au contraire ! Effectuons des bilans carbone, favorisons les data-centres qui tournent à l’électricité décarbonée, privilégions les fournisseurs éco-responsables (même s’ils sont légèrement plus chers que leurs concurrents), posons-nous des questions sur nos clients, privilégions autant que possible la prospection commerciale vers des marchés qui respecteront notre écosystème, sensibilisons nos collaborateurs qui eux-mêmes sensibiliseront leurs cercles, les leviers d’action ne manquent pas, il n’y a pas de petit pas ! Investissons dans des politiques RSE ambitieuses mais surtout sincères et oui osons dire qu’au bout du compte nous devons gagner des parts de marché pour faire émerger les entreprises qui sont plus responsables que les autres et forcer ces dernières à se mettre à niveau ! 

« Je ne peux rien pour qui ne se pose pas de questions. » (Confucius)