Rapport Olivennes: « Un compromis satisfaisant » côté Snep, « Une Dadvsi en pire » côté April

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Petite compil’ des avis positifs ou virulents après la remise du rapport sur la lutte anti-piratage et de l’accord Etat-FAI-ayants droit.

Jacques Valade et Michel Thiollière considèrent que cet accord bénéficiera d’abord aux consommateurs par la suppression des mesures techniques de protection et par l’amélioration de l’offre légale de musique et de films « qui sera plus rapidement disponible sur Internet et moins chère ». Les deux sénateurs ont déjà une idée du profil de la prochaine « autorité administrative indépendante ». Ils suggèrent que l’Autorité de régulation des mesures techniques, « créée à l’initiative du Sénat », puisse se voir confier ces nouvelles responsabilités par la future loi.

Malgré tout, dans la rang de l’UMP, des députés prennent de la distance vis-à-vis du rapport. Ainsi, Marc Le Fur (Côtes d’Armor) et Alain Suguenot (Côte-d’Or) dénoncent la création d’une autorité publique « qui aurait compétence pour prendre des sanctions à l’encontre des internautes téléchargeurs » et qui constituerait un « transfert des pouvoirs du juge à une autorité administrative ». « Cela revient à créer une véritable juridiction d’exception pour les téléchargeurs et va à l’encontre du principe d’égalité devant la loi et les tribunaux, principes fondamentaux des lois de la République », estiment les deux députés issus de la majorité.

Les détracteurs de l’initiative

Logiquement, les initiatives gouvernementales sont dénoncées par l’opposition. Ainsi, le Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) reproche au rapport de Denis Olivennes « d’organiser la privatisation de la régulation d’Internet en proposant de faire des FAI les auxiliaires d’une justice numérique arbitraire ».

De son côté, le PCF crie à l’injustice économique concernant la répartition des revenus tirés de l’exploitation des oeuvres numériques. « Les artistes et les internautes, donc leur public, sont tous les deux perdants (…)L’intérêt des artistes est le dernier soucis des majors, qui se partagent à cinq 80% du marché de distribution de musique, et qui gonflent leurs marges avant tout par la diminution de la part reversée aux artistes », lance le PCF. « Sur les 99 centimes du prix de vente d’un morceau sur une plate-forme commerciale en ligne, les ayants-droits en touchent moins de 3. »

Les plus virulents sont les groupes qui s’impliquent dans un développement alternatif de l’Internet. La Ligue Odebi a une position tranchée sur le sujet. « C’est donc une véritable justice parallèle qui serait instaurée au profit des industries culturelles: non seulement cette autorité aurait le pouvoir de juger et sanctionner les internautes, mais en plus elle aurait le pouvoir de sanctionner les FAI qui n’appliqueraient pas avec diligence les désabonnements ». Odebi a toujours la formule lapidaire. « De leur côté, les pouvoirs publics constitueront un fichier national des désabonnés, soit en pratique un véritable casier judiciaire familial ».

L’association April, qui a vocation « à défendre le logiciel libre en France », est également très inspirée sur le sujet alors qu’elle a été auditionnée le 12 octobre 2007 par la mission Olivennes. « Nous considérons que le rapport de la mission Olivennes, sans réelle surprise, n’est que la continuation de la dérive de ces dernières années vers la mise en place de ‘polices privées du net’ qui dessaisit le juge et atteinte aux droits de la défense », dénonce-t-elle. « Les propositions du Snep, reprises par la mission Olivennes, sont irréalistes et pose de graves problèmes d’atteinte aux libertés individuelles, C’est comme ça que Denis Olivennes compte souhaiter un joyeux Noël aux consommateurs ? »

Le Président de la République n’est pas épargné. « Son discours est tellement énorme qu’on a du mal à y croire », estime l’April. « Il parle de comportements moyenâgeux, de vol mais c’est son discours qui est d’une autre ère et montre qu’il n’a pas compris les différences fondamentales entre biens matériels et créations immatérielles.

Conclusion cinglante : « l’April sera évidemment présente auprès de tous les acteurs (parlementaires, internautes…) pour suivre ce qui s’annonce comme une Dadvsi en pire [du nom de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information]. »

Les réactions s’enchaînent à la suite de la remise du rapport Olivennes sur la lutte anti-piratage et de l’accord tri-partite signée entre l’Etat, les FAI et les ayants droit. Les plus optimistes sont les organismes qui représentent la dernière partie comme le Syndicat national des éditeurs phonographiques (Snep) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP)« réagissent positivement ». Cet accord constitue pour les producteurs un « compromis satisfaisant puisqu’il prévoit des engagements concrets de la part de chacune des parties signataires ».

Mise en place d’une « autorité administrative indépendante », système d’avertissement voire de résiliation des abonnements Internet, expérimentation de filtrage des FAI… Les deux parties applaudissent des des mains toutes les mesures préconisées dans le rapport. En contrepartie, les producteurs phonographiques s’engagent, dans le cadre de la vente numérique au titre, à mettre à disposition sans mesures techniques de protection (tant que celles-ci ne permettent pas l’interopérabilité) les catalogues musicaux produits en France. Avec un petit bémol : « sous réserve du fonctionnement effectif de ce dispositif ».

L’accueil est également chaleureux du côté de l’International Federation of Phonographic Industry (Ifpi), qui regroupe les majors du disque et les principaux labels indépendants. L’organisme salut cet accord « novateur » en France qui aidera à « lutter contre la piraterie massive sur Internet ». Avec un hommage appuyé rendu au Président de la République Nicolas Sarkzozy qui a montré « ses capacités de leadership » et « sa vision ». Denis Olivennes y trouve également son compte, dont la nomination à la tête de cette mission gouvernementale, est une « idée bien inspirée ». « La mission a été accomplie rapidement, avec un minimum de tapage, des consultations bien réglées et décisives », déclare John Kennedy, en qualité de Chairman & CEO à l’IFPI, cité dans le communiqué de presse.

Dans l’euphorie des premiers moments, la Sacem apporte sa contribution. « Il est évident que cette avancée constitue un nouveau jalon dans le combat difficile mené depuis de longues années pour faire respecter les droits et assurer la légitime rémunération des créateurs », indique la société de gestion collective du droit d’auteur pour la musique.

Des positions plus nuancées

L’avis de l’Adami, qui prend en charge les droits des artistes-interprètes (comédiens, chanteurs, musiciens, chefs d’orchestre, danseurs… ), est plus nuancé : d’un côté, elle se « réjouit » de la publication d’un indicateur mensuel mesurant les volumes de téléchargements illicites de fichiers musicaux, d’oeuvres et de programmes audiovisuels et cinématographiques, « qui permettra de mesurer l’efficacité de ce dispositif et de prendre d’autres mesures pour rémunérer les artistes s’il ne porte pas ses fruits ».

Mais, de l’autre, elle constate et regrette que « les organisations représentant les consommateurs et le public n’aient pas fait partie des négociateurs de cet accord » et que les mesures destinées à développer l’offre légale de vente de chansons et de films sur Internet « n’aient pas intégré ses propositions en faveur d’un rééquilibrage des revenus au sein de la filière ».

En France, certains parlementaires impliqués dans les problématiques numériques ont également pris la parole. Côté Sénat, Jacques Valade, (UMP-Gironde), président de la commission des affaires culturelles, et Michel Thiollière (RDSE-Loire), rapporteur de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, soulignent la rapidité d’exécution qui « a permis d’aboutir, pour la première fois, à une position commune des acteurs du monde de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et des fournisseurs d’accès ».

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