RedHat/AOL : la communauté du libre n’est pas inquiète

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AOL-Time Warner serait en pourparlers pour racheter Red Hat. Les technologies Linux de l’éditeur intéresseraient AOL qui cherche à pénétrer le marché des set-top boxes et autres clients légers communicants sans avoir à dépendre des technologies de Microsoft. Pour la communauté du libre, ce rachat n’aurait aucune conséquence sur les développements de Linux.

Selon le Washington Post, le géant AOL-Time Warner serait en négociations pour racheter Red Hat, la société qui fournit une des principales distributions de Linux, Red Hat Linux 7.2 étant la dernière en date. Leader sur le marché des distributions Linux (on lui prête une part de marché de 60 % environ), la société basée à Durham (Caroline du Nord) commercialise également des solutions serveurs. Red Hat a récemment passé des accords de développement avec IBM en ce sens. Née en 1994, Red Hat est entrée en bourse en 1999. La société, qui emploie aujourd’hui environ 600 personnes dans le monde, a empoché ses premiers bénéfices au dernier trimestre 2001 (si l’on exclut les acquisitions déficitaires qui lui ont fait perdre « seulement » 15 millions de dollars au dernier trimestre contre 55,3 millions de dollars au trimestre précédent) et prévoit une année 2002 entièrement bénéficiaire.

Ce ne sont probablement pas ces bons résultats qui intéressent le géant de la communication AOL-Time Warner, premier fournisseur mondial d’accès Internet avec 30 millions d’abonnés, deuxième opérateur de réseau câblé aux Etats-Unis, éditeur, producteur musical et cinématographique, etc. Ce sont plutôt les technologies développées par Red Hat. « AOL se sent menacé par Microsoft », analyse Stéfane Fermigier, président de l’Aful (Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres), « notamment dans le domaine de l’embarqué. » C’est-à-dire le set-top box ou décodeur numérique satellite/câble en vue du développement de la télévision interactive, et les appareils communicants du type PDA, téléphones mobiles, etc. Bref, un marché d’avenir selon certains. Les technologies Linux de Red Hat permettraient donc à AOL d’aborder le marché de l’Internet appliance sans dépendre technologiquement de Microsoft qui, entre son OS Windows CE pour clients légers, le rachat du réseau WebTV, les projets de déploiement de la Xbox sur le réseau mondial et la plate-forme .Net, a déjà une longueur d’avance dans ce secteur prometteur.

L’exemple de Netscape

On peut cependant s’interroger sur la stratégie d’AOL. « Est-ce que cela a un sens pour AOL de racheter Red Hat », s’interroge Stéfane Fermigier. « AOL n’aurait-il pas intérêt à passer des accords de développement ? » Certes, les deux sociétés n’ont pas confirmé ? ni démenti ? ces rumeurs d’acquisition et se refusent à tout commentaire. Mais jusqu’à présent, les rachats par AOL d’entreprises ou de technologies ayant pour but de contrer Microsoft n’ont pas fait leurs preuves. Netscape en est un parfait exemple. Depuis son rachat fin 1998 par la société de Steve Case (voir édition du 24 novembre 1998), le navigateur n’a connu qu’un développement hasardeux et peu convaincant qui ne l’a en rien aidé à récupérer des parts de marché. « La technologie n’est rien, ce sont les hommes qui sont derrière qui comptent », rappelle le président de l’Aful. Le rachat de Netscape avait en effet eu pour conséquence de chasser certains développeurs qui n’adhéraient pas à l’esprit d’entreprise d’AOL. Le rachat de Red Hat pourrait provoquer des mouvements similaires préjudiciables à AOL.

Si la communauté du libre n’apprécie pas particulièrement AOL, elle ne se sent aucunement menacée. « Red Hat est de toute façon une société commerciale au même titre qu’AOL », fait remarquer Stéfane Fermigier. « Je ne vois pas les conséquences que pourrait avoir cette acquisition sur les développements de Linux qui n’appartient à personne en soi », conclut-il. « Le risque est du côté d’AOL, pas de la communauté du libre. »