Très haut débit : Vivendi, Deutsche Telekom et Alcatel Lucent ont leur propre agenda numérique

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L’Europe prend du retard dans l’essor du très haut débit. Les trois acteurs télécoms émettent 11 propositions pour « recadrer » et « assouplir » le cadre européen. En leur faveur ?

Dans une initiative commune, VivendiSFR, Deutsche Telekom et Alcatel Lucent ont plaidé auprès des instances européennes pour une révision du cadre relatif au développement du très haut débit.

En réponse au présumé retard affiché par l’Europe dans ce domaine (17,5% de taux de pénétration du THD, selon Idate), les trois acteurs télécoms émettent onze propositions censées recadrer et assouplir la réglementation actuellement en vigueur.

D’où la nécessité d’un bouleversement de « l’agenda numérique » édicté par la Commission européenne et des objectifs : 100 % des foyers devraient disposer d’un accès à 30 Mbit/s et la moitié des foyers devraient être connectés à du 100 Mbit/s.

Les trois signataires du secteur télécoms en appellent à un renforcement des investissements privés et à une harmonisation de la concurrence entre fournisseurs d’accès, gérants d’infrastructures et mise à disposition de biens et services.

Le tout pour une meilleure compatibilité des « standards ouverts et interopérables« .

La démarche s’effectuerait à l’échelle du continent, l’Europe devant « soutenir les opérations transfrontalières« , dont les éventuelles fusions.

Signe qu’une politique globale est en voie d’élaboration au niveau de l’UE, « un cadre unique et contraignant [étant] nécessaire. »

La Commission européenne a prévu une enveloppe globale de 9,2 milliards d’euros sur la période de 2014 à 2020 pour le déploiement du THD.

Mais de cette série de recommandations se dégage une tendance jugée alarmante par certaines associations de défense des consommateurs comme UFC- Que Choisir : la mise en sursis de la neutralité du Net.

Il pourrait en effet en résulter une segmentation des forfaits Internet, comme le laisse supposer la cinquième proposition, laquelle évoque « la différenciation en matière de gestion du trafic« .

En d’autres termes, les opérateurs pourraient ne garantir des débits maximaux et « une moindre latence » qu’aux abonnés disposés à payer le prix fort.

Les opérateurs pourraient en effet mettre en place des forfaits « à plusieurs vitesses », à savoir que l’ADSL varierait en performances selon l’investissement consenti par le client, sans aucun débit garanti.

Autre question qui tarabuste Microsoft, Apple ou encore Google, l’évocation de « modèles économiques bifaces, basés sur des accords commerciaux« .

Concrètement, les fournisseurs de services Internet qui souhaiteraient mettre à disposition des internautes un meilleur service pourraient se voir contraints à mettre la main à la poche.

Les propositions émanant d’acteurs télécoms du secteur privé sont osées et elles entrent en résonance avec celles du sénateur Hervé Maurey.

C’est cette même omnipotence des opérateurs qui a suscité un tollé de la part de Hervé Maurey (sénateur, Groupe Union Centriste) qui a fait part de ses 33 propositions dans un rapport d’information critique sur l’aménagement numérique des territoires.

L’Etat français devrait s’investir davantage dans le développement du très haut débit numérique. Sous peine de rester suspendu au bon vouloir des fournisseurs d’accès.

« Il suffit qu’un opérateur dise qu’il veut apporter de la fibre optique à une ville dans cinq ans, pour que la collectivité soit bloquée dans ses projets de connexion au très haut débit, même si l’opérateur ne réalise rien« , considère le centriste Hervé Maurey.

Le bilan temporaire du déploiement du très haut débit est peu flatteur. Il est considéré comme « embryonnaire ».

« Il y a tout lieu de penser que les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République, à savoir 70% des foyers français raccordés en 2020 et la totalité à l’horizon 2025, ne seront pas atteints en raison d’un modèle de déploiement à la fois non contraignant vis-à-vis des opérateurs et peu incitatif pour les collectivités », considère le principal auteur du rapport.

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