Cyrille Amar (avocat) : « Apple vs Samsung : un procès retentissant arrivé sur le fond »

Interview Cyrille Amar (suite) : Après Samsung, Google visé ?

ITespresso.fr : Pourquoi le montant des dommages et intérêts infligé à Samsung (plus d’un milliard de dollars) risque de tripler ?
Cyrille Amar : Le jury populaire a évalué avec précision les dommages et intérêts en appliquant un certain nombre de critères et de formules un peu alambiqués. Mais il existe une disposition particulière en droit américain qui est celle du triplement des dommages et intérêts lorsqu’il peut être démontré que le contrefacteur a agi sciemment et en connaissance de cause. Je crois que c’est à la discrétion du juge. Ce sera fixé avant l’appel de Samsung. Ce recours va d’ailleurs peut-être influencé le montant des dédommagements qui sera finalement alloué à Apple. La juge devra aussi  examiner les questions d’interdiction provisoire [la demande sera déposé d’ici sept jours selon Apple, ndlr].

ITespresso.fr : Cette décision aux Etats-Unis aura-t-elle des répercussions en Europe ?
Cyrille Amar : Pour les brevets américains qui auront des contreparties européennes (la même invention mais déposée en Europe), il est évident qu’Apple va se prévaloir de la décision du tribunal de San Jose. Mais, cela ne sera considéré par la justice française et allemande que comme un élément de fait. Ce sera intéressant à examiner mais cela n’aura pas de conséquences juridiques directes. Le montant des dommages et intérêts se limite aux Etats-Unis. Et un juge allemand ou français pourrait très bien trancher dans un sens contraire.

ITespresso.fr : Derrière cette procédure visant Samsung, Apple vise l’écosystème Android. Peut-on s’attendre à un engrenage visant au final Google  ?
Cyrille Amar : C’est possible. Même si Apple se concentre pour le moment sur les OEM liés à l’écosystème Android. Mais Apple est conscient qu’il a besoin d’un rival. Je ne suis pas certain qu’Apple soit si malheureux que cela face à Google. On a du mal à le croire vu ses résultats financiers….Mais il est vrai que les litiges se concentrent là où il y a de l’argent à gagner.

ITespresso.fr : Avez-vous en tête un autre exemple de ce « jusqu’au-boutisme » dans les brevets dans le secteur du numérique ?
Cyrille Amar : Au-delà des questions d’égo, ce sont des hommes d’affaires qui finissent toujours par trouver un accord. On arrive même à transiger avec des patent trolls [des sociétés qui font du business lucratif avec l’exploitation des brevets, ndlr] par pure pragmatisme. On se souvient de la saga Nokia – Qualcomm sur les technologies 3G. Qualcomm a été extrêmement agressif et Nokia a transigé sur un peu près tout. Il y a eu des négociations difficiles et des assignations. Tous les grands fabricants ont été confrontés à cela.