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Tribune : Free Mobile : Xavier Niel prend-il tous les Français pour des c… ?

Un lancement offert par le « buzz » média

Le lancement de l’offre Free mobile s’est effectué sans aucune publicité, grâce à un buzz médiatique exceptionnel, relayé par les réseaux sociaux.

L’habileté de Xavier Niel lui a permis de disposer d’un avantage concurrentiel dont aucun de ses concurrents n’a pu bénéficier, les autres opérateurs, et notamment Orange qui figure parmi les premiers annonceurs de France, payant leur publicité dans les médias.

Et alors, diront les aficionados de Free, pourquoi payer quand on peut tout avoir à l’œil ?

Certes, mais une fois encore, si tout le monde fait comme Free, la presse, déjà bien mal en point, ne pourra plus se financer, et il faudra remplacer les journalistes par des bénévoles.

Certains n’ont pas hésité à comparer cette efficacité médiatique avec celle d’Apple et de Steve Jobs.

Ce n’est pas mérité : Steve Jobs s’appuyait en effet sur une réelle innovation produit, alors que Xavier Niel s’est contenté de déverser la haine et l’insulte, dans des proportions jamais vues jusqu’ici… sauf peut-être dans la bouche de certains politiques qui font campagne selon les mêmes procédés.

Est-il admissible que les personnels commerciaux des autres opérateurs, qui ne sont pas les décideurs des offres commerciales, se soient fait insulter par les clients, dans les boutiques et au téléphone ?

Ce n’est pas le modèle de relation clients que nous défendons !

Un modèle de start-up

Soulignons enfin que si Free mobile échoue, que le volume d’abonnés stables ou la rentabilité attendue ne soient pas au rendez-vous, Free, mieux valorisé par le marché que ses concurrents (sa capitalisation boursière est supérieure à son chiffre d’affaires), pourra procéder à des augmentations de capital supérieures à ses pertes opérationnelles… ou revendre l’activité une fois les clients capturés.

Ce sera alors au successeur d’assumer les investissements nécessaires pour rendre le service promis… et l’augmentation des prix.

Qu’en sera-t-il au final de l’avantage tarifaire ?

Free n’est pas un acteur plus philanthrope que les autres.

Sur l’offre elle-même, UFC- Que Choisir a déjà exprimé ses commentaires, et nous avons les mêmes analyses : tout client dont la consommation n’est pas exactement dans le profil de l’offre définie par Free mobile supportera des coûts supérieurs à ceux des opérateurs concurrents, comme par exemple sur le roaming ou des appels vers l’étranger hors forfait illimités.

Les appels vers les mobiles (hors Amérique du Nord, où les appels entrants sur mobile sont toujours facturés à l’appelé, comme c’était le cas en France du temps de Radiocom 2000) ne sont pas inclus dans l’illimité. Et il est frappant de constater que l’Afrique du Nord ne fait pas partie des destinations en illimité sur les fixes. Pour mieux « pigeonner » une certaine clientèle ?

Mais on peut aussi s’intéresser aux chiffres de Free sur le haut débit fixe. Xavier Niel d’ailleurs ne se cache pas d’un taux de marge brute (EBITDA) de 40%, le meilleur de tous les acteurs de l’ADSL en France.

On peut également constater que, si le tarif de base de son offre triple play est toujours de 29,99 euros par mois, son ARPU (revenu mensuel moyen par client) était de 35 euros en juin 2011 (38 euros pour la box Révolution), soit sensiblement le même que celui d’Orange pour les clients triple play en France (35,50 euros en juin 2011).

Free prend donc autant d’argent à ses clients que ses concurrents. Et on peut donc douter de sa promesse de diviser la facture mobile des Français par deux : attendons quelques mois avant de faire les comptes.

Free mobile, la stratégie du coucou ?

C’est la conclusion que l’analyse impose, quand on regarde de plus près comment l’offre a été mise en place.

C’est donc doublement inacceptable d’insulter tout le marché comme il l’a fait lorsqu’on utilise, à plein régime, tout ce que les autres ont déjà construit, pour s’installer dans la place.

En ce sens, Free mobile constitue une parfaite illustration de l’exploitation maximale du dogme néolibéral de la concurrence exacerbée.

Surtout beaucoup de valeur(s) détruite(s) !

Malheureusement, l’expérience montre qu’un tel système conduit surtout à une destruction de valeur préjudiciable à l’ensemble de la société.

Comme nous l’avons vu, les opérateurs mobiles, contraints de baisser leurs tarifs s’ils ne veulent pas voir tous leurs clients claquer la porte, seront également contraints de s’aligner sur les autres paramètres : moins de service aux clients, plus de vente directe sur le Web, délocalisation des emplois d’assistance par téléphone.

Rappelons qu’en dépit des promesses faites lors de l’ouverture du marché des télécommunications, ce secteur en forte croissance a perdu 32 000 emplois en 12 ans .

De nouveaux plans de suppression sont d’ores et déjà dans les cartons, simplement, ils ne sortiront qu’après les élections présidentielles.

Alors, oui, les tarifs de la téléphonie mobile baisseront plus rapidement que les seuls gains de productivité technologiques ne l’auraient offert. Mais à quel prix ?

Le consommateur y gagne aujourd’hui. Les salariés ont perdu. Demain les citoyens paieront.

Car ce n’est pas Xavier Niel qui financera les allocations chômage, ses nouveaux salariés seront au Maroc.

Sans parler des insultes qui ont volé bas, dans les médias et dans les boutiques, créant de la tension entre les personnels de vente et les clients.

Est-ce le modèle de société que veulent les Français ? Nous ne le croyons pas.

Les chroniques n’expriment que l’opinion de son auteur et n’engagent pas la rédaction ITespresso.fr et la société éditrice NetMediaEurope.
Sébastien Crozier intervient ici en qualité de Président CFE-CGC/UNSA France Télécom-Orange. Et dehors de sa qualité de chroniqueur « Croc-Crozier » et de ses contributions diffusées régulièrement sur notre site.

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