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Les 12 travaux du chief digital officer – Dossier spécial CDO

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Selon Gartner, un quart des entreprises disposeront d’un Chief Digital Officer (CDO) d’ici 2017. Il faut bien délimiter ses prérogatives, quitte à bousculer l’organisation établie.

Comme tout métier émergent, le chief digital officer (CDO) doit trouver sa place au sein des organigrammes en démontrant l’intérêt de son poste sans marcher sur les plates-bandes du DSI ou du directeur marketing.

Voici quelques travaux auxquels peut s’atteler le CDO afin d’incarner pleinement la transformation numérique au sein de son entreprise

1 – Bien définir son rôle

Selon le cabinet d’études Gartner, un quart des entreprises auront un chief digital officer (CDO) d’ici 2017 et même une société sur deux dans les secteurs fortement réglementés comme la banque ou l’assurance.

En attendant, le CDO, encore appelé directeur du digital ou directeur du numérique, fait figure de nouveau venu en entreprise.

Fonction émergente, son descriptif de poste n’est pas gravé dans le marbre et ses attributions varient d’une organisation à l’autre. D’où l’intérêt de définir clairement sa feuille de route et, ce, dès le début.

Le cabinet de recrutement Michael Page rappelle que le CDO « initie et accompagne la transformation numérique de l’entreprise.

Fonction transverse dans l’organisation, il définit et pilote la stratégie digitale de celle-ci pour intégrer les nouveaux canaux aux outils et méthodes déjà existants. »

Si, dans les premiers temps, le CDO dépendait de la direction marketing, de la direction de la communication, voire de la DSI, il est, aujourd’hui, le plus souvent rattaché directement à la direction générale.

Le sujet de la transformation numérique étant LA priorité du moment pour la plupart des entreprises, son positionnement dans l’organigramme et son degré d’autonomie donnent le ton rapport sur les ambitions que se donne une organisation.

Cet agent du changement intervient, poursuit Michael Page, « comme un interlocuteur central et un catalyseur pour la direction générale (rattaché au CoDir), le business (les directions marketing et commerciales) et la technologie (DSI, CTO). » Quitte à bousculer les organisations et casser des silos.

Le CDO doit pour cela être un bon diplomate maîtrisant les enjeux métiers, marketing et IT. Ce qui suppose une certaine séniorité. Mouton à cinq pattes, issu d’horizons variés, le chef du digital a déjà roulé sa bosse dans différents services.

Après avoir précisé son périmètre, le CDO doit savoir s’il dispose d’un budget spécifique ou s’il devra quêter auprès des différentes directions. Enfin, quels sont les objectifs qu’on lui assigne ?

Selon un sondage réalisé par le cabinet Forrester, les priorités sont dans l’ordre : l’amélioration de la relation et de la satisfaction client (35 %), l’aide à la prise de décisions business (33 %), l’acquisition d’un avantage concurrentiel (30 %), l’amélioration de la qualité et de la cohérence des données (28 %).

2 – Dresser un état des lieux de la maturité numérique

Les cent premiers jours d’un CDO sont généralement consacrés à dresser un état des lieux pour cerner le niveau de maturité numérique de l’entreprise.

Quel est l’existant ? Quels sont les projets lancés ? Pour prendre le pouls, il s’agit pour lui de rencontrer les personnes impliquées sur le numérique.

Mais comment cerner le niveau de digitalisation d’une entreprise ?

chief-digital-officer-dossier-2Pour bâtir leur palmarès du eCAC40, la rédaction de Business Les Echos et Gilles Babinet, Digital Champion représentant la France auprès de la Commission européenne, ont listé une centaine de questions, à la fois quantitatives et qualitatives.

La méthodologie repose sur cinq critères : la présence en ligne (sites Web, e-commerce…), le niveau de maîtrise technologique (cloud, big Data…), l’ouverture sur l’écosystème numérique, la sécurité et les dispositifs mise en place pour lutter contre le piratage et la fuite des données et, enfin, la culture digitale diffusée en interne.

Ce dernier critère est surpondéré, l’accompagnement au changement étant un prérequis. Impossible de mener un plan de transformation numérique si tous les collaborateurs ne sont pas embarqués (voir le point suivant).

A partir de ce rapport d’étonnement, le CDO devra concevoir sa feuille de la route digitale ou infléchir certains points si un plan de transformation numérique a déjà été initié.

3- Acculturer toute l’entreprise au digital

La transformation numérique peut être vécue de façon anxiogène par nombre de salariés.

A longueur d’articles, sont évoqués « l’uberisation » de pans entiers de notre économie par les « méchants » GAFA. Sans compter les milliers de destructions d’emploi que généreraient la dématérialisation des services, l’intelligence artificielle et la robotisation.

Big data, cloud, Web-to-store…les buzzwords s’enchaînent sans que, sur le terrain, ces concepts soient pleinement assimilés et contextualisés.

Il s’agit donc pour le CDO de dédramatiser et de démontrer l’impact positif du digital avec, entre autres, le développement de nouvelles activités ou de nouvelles organisations du travail (mobilité, télétravail).

Autre inquiétude diffuse : la fracture générationnelle que provoquerait le numérique. Un fossé se creuserait entre les « digital natives » et les seniors restés à l’âge analogique. Autant dire à l’âge de pierre. Il s’agit de battre en brèche ces idées reçues afin d’embarquer tout le monde.

Le CDO dispose pour cela d’une palette d’outils.

La première brique, c’est, bien sûr, le réseau social d’entreprise (RSE) qui permet de libérer la parole et de fédérer les énergies autour de communautés d’intérêts ou d’expertises.

Les salariés peuvent aussi contribuer à la stratégie digitale en déposant leurs idées sur une plateforme collaborative, sur le principe d’un brainstorming géant.

Côté formation, il existe quantité de modules d’e-learning, de MOOC ou de tutoriels vidéos dédiés aux grands concepts du numérique ou à la prise à main des outils sociaux.

Avec le « reverse monitoring », de jeunes actifs initient leurs aînés aux rudiments de Facebook ou LinkedIn.

Il s’agit, enfin, de rapprocher les collaborateurs du monde de l’innovation en faisant venir des start-up ou, à l’inverse, en allant à leur rencontre via des « learning expeditions ».

Un « lab » interne permet aussi aux collaborateurs de toucher du doigt les nouvelles technologies et de les désacraliser.

4- Monter une équipe commando

Le CDO ne peut prêcher seul la bonne parole. Il doit s’appuyer sur un réseau d’ambassadeurs du numérique dans les différentes directions du groupe. Des innovateurs, des experts, de jeunes talents motivés qu’il aura préalablement repérés lors de son état des lieux.

Selon McKinsey, le CDO passe 80 % de son temps à se construire des relations.

Ce réseautage est d’autant plus important que le CDO encadre une équipe réduite, de l’ordre d’une dizaine de personnes pour une grande entreprise. Comme c’est notamment le cas pour le CDO de la Maif.

Une équipe commando aux compétences polyvalentes fonctionnant comme une start-up. Une ‘ »pizza team » suffisamment agile et réactive pour avancer en mode ‘essai-erreur’. Alors que le CDO a été nommé pour casser les silos organisationnels, pas question d’en créer un nouveau.

Pour conduire les projets, il peut aussi reproduire ce type d’artillerie légère en constituant des « feature teams ». Des équipes pluridisciplinaires et autonomes dont les membres sont détachés de leurs directions respectives le temps de développer un composant.

Spotify a popularisé ce mode d’organisation éphémère avec le succès que l’on sait.

5 – Commencer par des réalisations visibles

Le CDO se sait attendu au tournant. Au-delà de sa vision stratégique, il sera jugé sur ses réalisations concrètes. Autant commencer par les projets les plus emblématiques pour gagner ses premiers galons, avant de s’atteler aux chantiers en profondeur qui n’offriront pas la même visibilité.

Une nouvelle application mobile, un site Web enfin responsive design, un « App Store » interne, un concept de point de vente digitalisé seront fortement relayés par la communication interne, mais aussi à la machine à café.

Pour éviter l’effet tunnel des projets en cycle en V, le CDO devra promouvoir toutes les approches agiles qui permettent de faire des POC (proof of concept) puis de livrer des produits time-to-market par itérations de quelques semaines à quelques mois.

Il s’agit de prôner les méthodes de développement logiciel agile – Scrum, Kanban et XP – mais aussi les démarches plus organisationnelles de type lean start-up, DevOps ou Management 3.0.

Le CDO devra aussi faire la preuve de son efficacité en posant des indicateurs de performance (KPI), en ligne avec les enjeux business de l’entreprise, comme le taux d’acquisition ou d’attrition des clients.

6 – Etre au cœur de la matrice

Qui est le maître des données de l’entreprise ?

Entre le chief data officer qui partage avec lui le même acronyme, mais aussi le data protection officer, le master data manager et autres data scientists et data analysts, sans parler du directeur marketing, du DSI et du CTO, légitimes eux aussi sur la question, ça se bouscule au portillon.

Le CDO doit assoir son leadership sur la gestion des données mais surtout sur leur valorisation, le Big Data et l’analyse prédictive étant au cœur de sa réflexion.

Il peut aussi avoir voix au chapitre en ce qui concerne la collecte et la qualification des données mais aussi sur la conformité de leur traitement au regard de la législation sur la protection de la vie privée.

A cet effet, une troïka composée du DSI, du CDO et du responsable de la « compliance » a par exemple été créée chez Axa France.

7 – Prendre langue avec les métiers

Polyglotte, le CDO doit parler des technologies pointues avec les mots de ses interlocuteurs. Le Big Data n’a pas le même impact que l’on soit un DRH ou un directeur commercial.

Le numérique étant partout, il ne doit pas déposséder les directions métiers de ce sujet mais, au contraire, les aider à se les approprier. Au risque sinon de voir les projets à connotation numérique lui échoir à lui seul,  la garantie de se mettre à dos ses collègues tout en se coupant de l’expertise métier.

Une instance collégiale peut réunir toutes les parties prenantes d’un projet. Une sorte de CoDir digital.

Bien sûr, le CDO développera davantage d’affinités avec certains collègues, avec le DRH pour construire le volet ressources humaines du plan de transformation ou avec le directeur marketing pour optimiser et enrichir l’expérience client.

Il sera aussi amené à fréquenter les gens du juridique et de la conformité à différentes étapes de ses projets.

8 – Faire ami-ami avec le DSI

La nomination d’un CDO peut être mal perçue par le DSI en poste, qui avait jusqu’alors la mainmise sur les projets numériques.

chief-digital-officer-3Avec les solutions en mode SaaS, les directions métiers l’ont déjà court-circuité en traitant directement avec les fournisseurs, le CDO lui retirerait cette fois la vision stratégique qu’il peut porter sur les nouvelles technologies.

Au risque pour le DSI de se voir reléguer à une fonction de support en charge de l’exploitation et la maintenance des infrastructures.

Le CDO doit donc rassurer le DSI et établir avec lui une sorte de pacte de non-agression en jouant sur la complémentarité de leurs fonctions. Le CDO doit se présenter comme le chaînon manquant entre les directions métiers et la DSI.

Les deux hommes n’ont pas le même tempo. Alors que le DSI a une roadmap et un bugdet, calés généralement à l’année, le CDO travaille sur des temps plus courts. Pour autant, ils doivent se retrouver très régulièrement autour d’une table pour synchroniser leurs actions.

Dans tous les projets d’importance, le DSI est dans la boucle pour s’exprimer sur les choix technologiques, l’interopérabilité entre la solution retenue et les systèmes existants, la sécurisation des données. Grand architecte du système d’information, il est aussi le garant des normes et standards.

La construction de nouveaux services exige d’avoir un système d’information plus agile en recourant notamment aux API. Une transformation qui ne peut se faire qu’avec le DSI, qui a la charge de faire tourner le « legacy ».

9 – Bâtir son écosystème de l’innovation

L’innovation n’aime pas le renfermé. Le CDO doit ouvrir des fenêtres pour regarder ce qui fait hors de l’entreprise.

Dans une démarche d’open innovation ou de co-innovation, il s’agit notamment de se rapprocher des start-ups pour gagner en agilité. Il peut préconiser de mettre en place un incubateur, un accélérateur ou de nouer un partenariat avec une pépinière existante.

Hackathon, digital week, learning expédition… : il existe aussi différentes formules pour faire venir l’innovation à soi ou aller à sa rencontre. Ce qui suppose aussi de mener une politique dynamique d’open data en ouvrant des jeux de données à des développeurs externes.

Si l’entreprise dispose d’un fonds d’investissement, le CDO doit avoir son mot à dire sur le choix des jeunes pousses dans laquelle l’organisation investit. Une prise de participation, voire une acquisition peut faire gagner au CDO des mois sur sa feuille de route.

10 – Assurer une veille régulière

Rien ne serait plus grave pour un chief digital officer, qui est à l’avant-garde du numérique, de se voir dépassé par une évolution technologique. Il doit donc régulièrement lever le nez du guidon et assurer une veille sur les nouveaux usages, l’état de l’art du marché, les réalisations de la concurrence.

Au-delà des fils d’actualité et des différentes alertes auxquels il s’est abonné, le CDO doit aussi s’aérer, assister à des conférences, des ateliers, rencontrer ses pairs.

Plusieurs structures se sont montées comme le CDO Club et le CDI Summit à l’international, la CDO Alliance et la Nuit du Chief Digital Officer en France. Des « hubs » réunissent aussi les CDO sur les réseaux sociaux professionnels, notamment LinkedIn et Viadeo.

On n’attend pas d’un CDO qu’il sache tout du standard de développement actuellement en vogue. En revanche, il ne doit pas louper le dernier concept disruptif surtout s’il concerne son secteur d’activité.

11 – Communiquer urbi et orbi

Bon communicant en interne, il doit aussi assurer la promotion de ses réalisations en externe. Cela tombe bien, les médias BtoB se les arrachent. On les voit d’ailleurs régulièrement en conférence de presse, dévoiler leur plan de stratégie numérique à côté de leur PDG. Comme ce fut le cas récemment pour la SNCF, AccorHotels ou Axa.

Le CDO doit soigner sa e-réputation sur les réseaux sociaux et, pourquoi pas, tenir un blog où il donne son avis sur les grands sujets du moment. La transformation doit se voir de l’intérieur et de l’extérieur pour parodier une célèbre publicité.

12 – Préparer « l’après CDO »

Profession durable ou effet de mode ? Que deviendra le chief digital officer quand il aura assuré la transition numérique de son entreprise. Le CDO Club note sur son site qu’un nombre croissant de responsables digitaux anglo-saxons sont devenus PDG de leur entreprise à l’image de Charlie Redmayne de la maison d’édition HarperCollins.

Leur rattachement à la direction générale, leur vision transverse de l’entreprise et la conduite de projets de transformation particulièrement sensibles les prédestinent, en effet, à endosser le rôle du ‘big boss’.

Sans atteindre ces sommets, le CDO a toute latitude, de par son parcours, pour devenir responsable du marketing digital, se convertir dans le conseil, ou monter sa propre start-up.

(Crédit photo : Shutterstock.com)

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