Bilan mitigé pour les élections de l’Icann

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Les cinq nouveaux membres du comité directeur de l’Icann viennent d’être désignés par les internautes. L’Européen élu est l’Allemand porte-parole du Chaos computer club, une association de hackers. Si ces élections controversées sont une première, leur bilan est bien en demi-teinte.

Du 2 au 10 octobre, les internautes inscrits aux élections de l’Icann votaient pour la désignation de 5 des 19 membres du bureau directeur de l’Icann (voir édition du 2 octobre 2000). Les résultats viennent d’être communiqués. Sans surprise, c’est l’Allemand Andy Mueller-Maguhn qui a été élu pour la région 2, l’Europe. Il a obtenu une nette majorité avec plus de la moitié des 11 309 votes, tandis que le Français Olivier Muron, qui a été directement propulsé au second tour (voir édition du 2 août 2000), ne recueille que 544 voix.

Pour la région Amérique latine et Caraïbes, c’est le Brésilien Ivan Moura Campos qui l’emporte ; le Ghanéen Nii Quaynor est élu pour l’Afrique, le Japonais Masanobu Katoh arrive en première position pour la région Asie-Pacifique, enfin c’est l’Américain Karl Auerbach qui est élu pour l’Amérique du Nord. L’élection de ce dernier, tout comme celle de l’Allemand Andy Mueller-Maguhn, suscite bien des réactions. Karl Auerbach, ingénieur chez Cisco, est connu pour ses positions critiques vis-à-vis de l’Icann.

« Il n’y a pas de surprise », réagit Jean-Yves Babonneau. Le directeur général de l’Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération) ne discute pas la forme : « Trois Allemands étaient en tête, ils ont voté pour Mueller, c’est logique. Pour les USA, c’est plus délicat à saisir, car cela fonctionne par report des voix. » En revanche, sur le fond, sa position est plus critique. « L’Allemand et l’Américain élus risquent de ne pas être des atouts pour un principe de régulation. La personnalité d’Andy Mueller est bien connue, il risque de remettre en cause l’organisation de l’Icann, son côté administratif », explique-t-il. Mais pour Jean-Yves Babonneau, Karl Auerbach risque de son côté de remettre en cause l’existence même de l’Icann. « Il se place clairement du côté du secteur marchand et a déjà affirmé ses convictions dans ce sens. »

Ces deux nouveaux membres siègeront avec les autres nouveaux élus au comité de direction, qui réunit 19 personnes. « 2 sur 19, cela fait un peu moins de 10 %, » reprend le directeur général de l’Afnic, « ce n’est pas déterminant mais c’est assez pour déstabiliser les autres membres. » Selon lui, il faut tout de même garder à l’esprit que la présence de représentants de chaque tendance est forcément positif. « Ceux qui ne sont pas d’accord doivent se faire entendre. »

D’accord, justement, Daniel Kaplan ne l’est pas. « Je pense que la manière dont c’est organisé s’assimile à une farce », affirme-t-il tout de go. « Le corps électoral est complètement tordu et les logiques nationales ont prévalu. Si en Allemagne on a assisté à une campagne de vrais citoyens libres, je doute que cela ait été le cas en Chine. Sans parler des problèmes techniques. » Le consultant, délégué général de la Fing (Fondation pour l’Internet nouvelle génération), qui est vice-président de l’Internet society et a collaboré à plusieurs travaux de réflexion gouvernementaux sur Internet, est très critique : « L’image très américaine d’une communauté indépendante distincte de celle des citoyens est dangereuse. » Il a participé au travaux du comité consultatif « chargé de définir l’organisation et les attributions des adhésions directes de l’Icann », mais ses propositions allaient dans un autre sens : « L’Icann étant chargée entre autres de gérer les noms de domaine, l’idée était plutôt d’associer les détenteurs de noms de domaine et d’adresses IP avec les associations, pour créer une citoyenneté. »

Entre les modalités de l’élection, les problèmes techniques qu’a rencontrés le faible nombre d’électeurs et finalement les personnalités des élus eux-mêmes, les premières élections de ce qui se veut le « gouvernement d’Internet » auront alimenté bien des controverses.

Pour en savoir plus  :

* Le site sur la gouvernance d’Internet créé par l’Afnic

* L’Afnic

* La Fing

* Le site de Daniel Kaplan