Boucle locale : les opérateurs revoient leurs ambitions

Mobilité

La déréglementation, bien qu’effective en France, montre ses limites. Entre les relations tendues avec l’opérateur historique, la faible maturité du marché Internet et la timidité des investisseurs, les ambitions des opérateurs alternatifs sont aujourd’hui largement revues à la baisse.

Cegetel, LDCom et 9 Telecom, en ne signant pas la énième offre de référence d’accès à la boucle locale, ont tous trois voulu dénoncer, selon eux, les pratiques anticoncurrentielles de France Télécom. Contrairement à ce que nous écrivions le 1er octobre 2001, Free n’a pas non plus signé ce protocole d’accès (voir édition du 1er octobre 2001). Toutefois, Free, qui est candidat au dégroupage, poursuit les négociations avec l’opérateur historique. Pratiques anticoncurrentielles ou pas, il n’empêche que peu d’opérateurs ont finalement décidé de proposer des offres d’accès dégroupé. Selon les derniers chiffres de l’ART, ils étaient encore 37 au 1er janvier 2001, date de l’ouverture de la boucle locale de France Télécom à la concurrence. Actuellement, seuls cinq acteurs restent : Colt, FirstMark, Kaptech, Easynet et Siris.

Au final, une grande majorité d’opérateurs n’a donc pas souhaité se positionner sur le marché des offres dégroupées. Pour le cabinet de conseil et d’études Cesmo, qui vient de publier une étude sur la boucle locale, le dégroupage n’est pas non plus une condition de survie. « Les opérateurs n’ayant pas d’offres dégroupées joueront sur la concurrence entre opérateurs et ne seront plus dépendants d’une seule offre. Mais effectivement, si les opérateurs veulent avoir un certain niveau de qualité de service, ils auront tout intérêt à maîtriser le réseau dans sa globalité. En définitive, les deux systèmes vont cohabiter parce qu’ils répondront à des besoins différents », explique Jean-Luc Koch, PDG de Cesmo.

Les conditions tarifaires imposées par France Télécom ne sont pas les seuls freins aux ambitions des opérateurs qui se trouvent confrontés à la crise des marchés télécoms, à la baisse des investissements et aux coûts exorbitants de mise en place des infrastructures, mentionne le cabinet d’étude. Pour Cesmo, le lent démarrage du dégroupage du marché de la boucle locale n’est pas seulement dû aux tarifs de France Télécom, mais aussi à la faible maturité du marché Internet en France. Pour appuyer ces dires, le cabinet publie le prix de la location de la paire de cuivre. Les pays nordiques, pourtant en avance dans le domaine de l’Internet, ont les prix les plus élevés d’Europe. Ainsi la location de la paire de cuivre coûte 20,9 euros en Finlande, 17 euros en Suède contre 15,7 en Allemagne, dont le dégroupage est effectif depuis longtemps. En France, le prix de la location est de 14,5 euros.

La BLR, parent pauvre de la boucle locale

La déréglementation de l’accès à la boucle locale a permis l’émergence de nouvelles technologies comme la boucle locale radio (BLR). Pourtant, cette dernière peine à s’imposer. Le Cesmo juge que la BLR ne représente que 1,1 % des technologies utilisées sur le marché de la boucle locale haut débit en 2001. La fibre optique reste loin devant avec 71,1 %. Le Turbo DSL représente quant à lui 13,4 % des technologies utilisées. Des chiffres qui s’expliquent non pas en termes de coût d’investissement mais plutôt en termes de marge que l’opérateur peut dégager. Si la fibre optique demande des investissements sur dix ans, c’est pourtant là que l’opérateur peut bénéficier des marges les plus importantes. Sans surprise, c’est donc sur la BLR que les marges sont les plus faibles. La BLR ne représente en effet que 4 % du marché en termes de valeur financière contre 55 % pour la fibre optique, 25 % pour le Turbo DSL, 10 % pour l’ADSL et enfin 6 % pour le câble. Aujourd’hui, moins de 2 000 clients ont une connexion Internet sur le mode de la BLR. Certes la France figure parmi les derniers pays européens à avoir entrepris la commercialisation d’une BLR. Mais l’Allemagne, qui propose la BLR depuis le second semestre 1999, ne constate pas pour autant une réussite de ce type d’accès Internet. Outre la BLR, la déréglementation a permis aux opérateurs de pénétrer le marché des communications locales. Mais si certains opérateurs offrent déjà des accès dégroupés pour les données, il en est tout autrement pour la voix qui ne semble pas être une priorité pour ces opérateurs.