Brevets logiciels : la manifestation de la dernière chance

Mobilité

En passe d’être adoptée au Parlement européen, la directive sur la brevetabilité des logiciels mobilise les associations de défense du logiciel libre. Celles-ci organisent différentes manifestations pour tenter de convaincre les eurodéputés des dangers d’un tel projet.

Sensibiliser les eurodéputés et le public, tel est l’objectif de la manifestation que l’Alliance Eurolinux organisera mercredi 27 août 2003 à Bruxelles, près du Parlement européen où sera soumis, lundi 1er septembre 2003, le projet de directive européenne sur la « brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur ». Présenté par une députée britannique du parti travailliste, Arlene McCarthy, ce projet de directive soumettrait les programmes informatiques au régime de la propriété industrielle en lieu et place du droit d’auteur actuellement utilisé. Ce projet ne viserait pas seulement les algorithmes informatiques mais aussi les méthodes commerciales « comme le brevet One Click d’Amazon », rapporte Benjamin Henrion, organisateur de l’événement. Le brevet One Click, récemment enregistré par l’Office européen des brevets (OEB), simplifierait la procédure de commande d’article en ligne, sans pour autant réellement apporter de contribution technique nouvelle, comme le veut le projet de directive. Si celle-ci est adoptée, la loi reconnaîtra la légalité des milliers de brevets de l’OEB (on parle de 30 000). Dans le cas de One Click, nombre de sites Internet commerciaux devront probablement payer des droits d’utilisation à Amazon, pour peu qu’ils utilisent eux aussi une procédure de commande simplifiée (basée sur l’usage de cookies, l’enregistrement à une base de données ou autre).

La liberté de publication en danger

C’est donc pour éviter ce genre d’abus qu’Eurolinux organise cette manifestation de rue. Soutenue par nombre d’associations de défense du logiciel libre – dont la FFII (Foundation for a Free Information Infrastructure), une association internationale basée en Allemagne, ou l’April (Association pour la promotion et la recherche en informatique libre) en France – la mobilisation sera suivie d’une conférence de presse dans l’enceinte du Parlement. Les opposants à la directive appellent également à des manifestations virtuelles. « Nous avons proposé différentes façons de participer à la manifestation en ligne », explique Harmut Pilch, président de la FFII. « Tout le monde en trouvera certainement une qui lui convient. Il vaut sans doute mieux rendre l’accès à sa page Web un peu plus difficile pour les quelques jours à venir plutôt que de perdre sa liberté de publication pour les dix ans qui viennent. Rendez-vous compte que si le rapport McCarthy est approuvé tel quel, sans y introduire des amendements drastiques, le droit d’auteur et la liberté de publication deviendront sans valeur. Les programmeurs et les fournisseurs de services Internet seront régulièrement poursuivis pour violation de brevets. »

Selon les associations qui s’opposent à la directive, Arlene McCarthy ignore superbement les mouvements d’opposition et refuse d’adopter les amendements proposés notamment par la commission de la Culture présidée par Michel Rocard. Ni les 2 000 entreprises issues du secteur du logiciel libre, ni les 166 000 signatures recueillies par Eurolinux, ni la consultation publique (dont les résultats montrent un rejet à 94 % du projet, selon la FFII) n’ont d’influence sur l’eurodéputée dont les liens avec l’OEB ont été établis par les défenseurs du libre : un des rédacteurs de la directive serait en effet un ancien employé de l’OEB. Convaincre les eurodéputés de voter contre le texte, ou de l’amender, apparaît donc comme la dernière chance pour éviter la brevetabilité des logiciels.