Bruxelles reporte l’adoption d’une réforme de la copie privée

Mobilité

Pour les sociétés de gestion collective de droits d’auteur, c’est une bonne
nouvelle. En face, des groupes industriels mécontents sont prêts à porter
plainte.

« La communauté artistique, créative et des industries culturelles exprime son soulagement et salue la sagesse de la décision de la Commission européenne de ne pas adopter en toute hâte une recommandation qui mettait en danger la rémunération pour copie privée. » Le collectif « Culture d’abord », qui regroupe une quinzaine de sociétés d’auteurs européennes (dont AEPO-ARTIS, la FIM et le BIEM), s’est réjoui de la décision De Bruxelles.

Le 14 décembre 2006, l’organe exécutif de l’Union européenne a repoussé sine die l’adoption d’un projet de recommandation sur les systèmes de rémunération pour copie privée. Ce projet visait à remettre en question le principe de rémunération au titre de la copie privée au bénéfice d’un modèle qui fait la part belle aux systèmes de verrouillages des contenus culturels (musique, cinéma, oeuvres multimédia…).

Instaurée en France par la loi Lang en 1985, la copie privée vise à compenser les pertes générées par les copies personnelles des oeuvres diffusées à la télévision et la radio. Au départ limitée aux cassettes audio et vidéo, la  » taxe » copie privée s’est étendue à partir des années 2000 aux supports numériques vierges tels que les CD et DVD, ainsi que disques durs et mémoires Flash de baladeurs numériques, clés USB et enregistreurs numériques principalement. Cette rémunération au titre de la copie privée, qui peut parfois paraître disproportionnée aux yeux des consommateurs, constitue « une source de revenus légitime et non négligeable pour les ayants droit tels que les auteurs, les artistes interprètes et leurs producteurs », selon le collectif Culture d’abord.

Des « statistiques totalement fausses »

Selon la Sacem, qui se réjouit également de la décision de la Commission européenne, la redevance collectée pour la copie privée en 2005 s’élève à 155 millions d’euros en France. Une estimation bien en deçà de celle avancée par un collectif d’industriels réunis sous l’égide de l’EICTA (European Information and Communications Technology and Consumer Electronics Association) qui évalue le montant à près de 345 millions d’euros. Selon la Sacem,  » EICTA continue ainsi à véhiculer des statistiques totalement fausses » afin de décrédibiliser les sociétés de gestions de droits des artistes pour accélérer la réforme sur la copie privée.

« L’industrie européenne est profondément choquée par le volte-face manifeste de la Commission Européenne au sujet de la réforme du système de redevances pour copie privée », s’indigne Mark MacGann, directeur général de l’EICTA et porte-parole de la CLRA (l’Alliance pour la réforme des redevances pour copie privée qui réunit six associations d’industriels dont la BSA). « Au vu de cette décision, il est clair pour l’industrie que la Commission a abandonné tout effort d’instaurer plus de transparence, d’efficacité et d’impartialité dans la manière dont ces redevances sont fixées, collectées et redistribuées. »

En conséquence, « plusieurs grandes sociétés européennes ont désormais l’intention de porter officiellement plainte auprès de la Commission, afin que celle-ci dépose des recours contre certains Etats membres », selon le communiqué de la CLRA qui se garde de désigner les entreprises évoquées. C

ette initiative porterait alors la question de la rémunération pour la copie privée devant la Cour européenne de justice. Pour Culture d’abord, « la Commission européenne fait ainsi preuve d’indépendance d’action face aux fortes pressions d’industriels ».