Enchères d’objets nazis : la justice américaine refuse de suivre Yahoo

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Le portail Internet veut que la justice fédérale reconnaisse la non-application sur le territoire des Etats-Unis d’une décision d’un tribunal français prise en sa défaveur. Une tactique juridique qui a échoué.

C’est une vieille chronique du Web qui resurgit à travers un rebondissement sur le terrain juridique. Le 23 août 2004, on apprend à travers une dépêche de Reuters qu’une cour d’appel fédérale a débouté Yahoo dans sa tentative de couler une procédure qui avait débuté en France trois ans auparavant et qui avait tourné en sa défaveur. Le portail Internet a essayé de faire valider un principe de non-application de la décision de justice française sur le territoire américain.

Initialement, les faits, qui remontent à l’année 2000, portent sur la vente aux enchères d’objets nazis sur le service Yahoo accessibles par les internautes français. Un dossier que la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) ont porté devant la justice française.

A l’époque, Yahoo.fr avait cessé assez rapidement les enchères autour d’objets nazis pour apaiser les esprits. Mais, aux Etats-Unis, la situation est différente : en vertu du premier amendement de la Constitution américaine garantissant une liberté d’expression totale, ce type de transaction est possible.

En novembre 2000, Yahoo est condamné en référé à installer un système de filtrage destiné à empêcher les internautes français d’accéder aux enchères se référant à ce type d’objets sur son portail américain. Pour contourner l’application de cette sanction ordonnée par la justice française, Yahoo a opté pour une tactique de procédures juridiques de longue haleine en jouant sur les ambiguités dans le domaine de l’Internet de part et d’autre de l’Atlantique.

Le portail Internet se tourne donc vers la justice américaine pour savoir si la décision de justice française peut être appliquée ou non aux Etats-Unis. Le premier round de la procédure tourne en sa faveur : en novembre 2001, un tribunal de district en Californie estime qu’en vertu du fameux premier amendement, Yahoo peut être dispensé d’appliquer la condamnation « made in France » .

Mécontentes de cette décision rendue en première instance outre-Atlantique, la Licra et l’UEJF reviennent à la charge en faisant appel auprès d’une juridiction compétente… américaine dans le courant de l’année 2002. C’est dans ce contexte qu’il faut prendre en compte la dernière décision du tribunal d’appel fédéral (the Ninth Circuit Court of Appeals in San Francisco précisémment) émise le 23 août 2004.

Au nom du respect du « due process »

Contacté dans la journée de mardi par Vnunet.fr, Richard Jones, avocat américain du cabinet Covington & Burling qui défend les intérêts de la Licra et l’UEJF dans ce dossier, a apporté des précisions sur la portée de cette décision de justice fédérale. «Aucune cour américaine ne peut s’impliquer dans cette procédure juridique française, à moins qu’une personne n’essaie de faire appliquer la décision du tribunal français devant une juridiction américaine. Si cela arrive, dans ce cas, un tribunal américain peut examiner d’autres requêtes, par exemple celle de Yahoo qui souhaite bénéficier de la protection du Premier amendement constitutionnel » , commente l’avocat.

« Toutefois, des organisations à but non lucratif comme la LICRA et l’UEJF sont protégés par un autre droit que la Constitution américaine assure : celui de l’application de la loi en fonction des procédures prévues ( due process dans le texte en anglais pour être précis). Par exemple, il est impossible d’initier une action en justice devant un tribunal américain en prenant comme motif un « comportement fondé » (legitimate conduct en anglais) qui intervient en France.» , poursuit l’avocat.

A la suite de cette décision de justice de niveau fédéral, Yahoo peut décider d’emmener ce dossier devant la Cour Suprême, garant des droits constitutionnels aux Etats-Unis. Le portail Internet n’a pas émis de commentaires sur le sujet.


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