Era Erikson (F-Secure) : « La fin de la ressource IPv4 cache d’importants enjeux économiques »

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Pour F-Secure, la pénurie annoncée d’adresses IPv4 doit prendre en compte rapidement les possibles dérives, à commencer par l’arrivée d’un marché secondaire dédié à la revente de blocs d’adresses.

ITespresso.fr : Les registres régionaux (RIR) dépendant de IANA (composante de l’ICANN) ne peuvent-ils pas intervenir pour récupérer ces blocs non-utilisés par quelques-uns ?
Era Erikson : Les politiques actuelles n’ont certainement pas de telles clauses en place. Si la situation de l’IPv4 devient critique avant qu’un plan réaliste ne soit mis en place pour migrer vers l’IPv6 (ou peut-être autre chose, au-delà de ce qu’on connait), nous pourrions voir arriver des tractations politiques concernant les adresses allouées mais inutilisées de blocs. Cependant, cela ressemble à un scenario peu attrayant, désagréable et potentiellement dangereux. La publicité autour de la pénurie d’adresses IPv4 est certainement un appel à se réveiller… Quelque chose doit être fait avant que nous finissions dans une situation où personne ne sorte gagnant.

ITespresso.fr : Vous pointez du doigt le risque de ne pas être en mesure de « louer » une plage d’adresses IP comme une menace à la liberté d’expression…
Era Erikson : Sans tenir compte du fait que le marché des adresses IPv4 disponibles va s’ouvrir ou non, le coût est le seul facteur de décision pour l’achat d’une adresse. Si vous êtes limité juste après avoir payé la facture de votre FAI, vous perdez tout votre argent. Les organisations comme WikiLeaks, et peut-être les différents Partis Pirates en Europe, ne veulent évidement pas que cela arrive et devront donc faire le tour des FAI avec une sorte de garantie contre des limites motivées par des raisons politiques. Si vous regardez où les spammeurs et les diffuseurs de virus se rendent pour trouver un refuge sécurisé sur le Net, la conclusion est claire, mais plutôt perturbante : ils trouvent refuge dans les pays qui ne sont pas connus pour coopérer avec la communauté internationale. Je crois qu’il est rassurant de voir que WikiLeaks n’a pas encore migré là-bas, mais c’est peut-être simplement une question de temps.

ITespresso.fr : A votre avis, quelle est la meilleure méthode pour encourager l’adoption massive d’IPv6 ?
Era Erikson : Le problème est celui de l’infrastructure manquante. Vous pouvez mettre en place votre propre réseau IPv6 dès à présent, mais vous ne pourrez pas accéder aux sites Web populaires. Google est la seule exception, mais ils ont mis en place des mécanismes spéciaux, et cela ne marche pas toujours correctement. C’est le problème habituel de l’œuf et de la poule. Les FAI ne veulent pas offrir l’IPv6 aux consommateurs car cela ne marche pas vraiment, les consommateurs ne demandent pas l’IPv6, et les fournisseurs n’investissent pas dans l’infrastructure car il n’y a pas d’utilisateurs. Je pense qu’il y a une opportunité pour les organisations internationales de faire un pas en avant et de changer la donne, mais nous ne savons pas exactement qui doit prendre cela en main. Peut-être que de l’argent privé provenant d’économies en pleine expansion pourrait jouer un rôle, mais il s’agit encore une fois de pure spéculation.

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