Jean-Marc Steffann (Wanadoo) : « Nous allons consolider notre part de marché »

Mobilité

Extension du haut débit sur le territoire, positionnement face à la concurrence, ADSL 2+, Livebox… Le responsable produits de Wanadoo livre sa vision du marché Internet français.

Arrivé au début des années 90 au sein de la division Recherche et Développement de France Télécom (il y est resté 7 ans), Jean-Marc Steffann a suivi le lancement du Net en France. Après avoir assuré la commercialisation de Netissimo, il a été nommé directeur technique de Wanadoo Europe. Il s’occupe ensuite l’activité portail du FAI avant de rejoindre, comme adjoint, Jean-Claude Delmas à la direction de Wanadoo France. Après l’intégration de l’activité FAI au sein du groupe France Télécom, Jean-Marc Steffann a été nommé « Directeur de l’unité d’affaires Haut Débit et Internet » en janvier 2005. Autrement dit, responsable des gammes de produits Wanadoo. (Interview réalisée le 15 mars 2005) Vnunet.fr : Quels sont les objectifs de Wanadoo à l’horizon 2007?
Jean-Marc Steffann : Ils sont de deux natures : faire croître le marché Internet d’une part et consolider, voire augmenter, notre part de marché d’autre part. Le premier objectif passe par une démarche générale de démocratisation des usages Internet à laquelle participe le gouvernement, notamment à travers la mise en place de l’administration électronique. On peut citer, par exemple, la réduction d’impôt de 20 euros proposée à ceux qui effectueront leur déclaration de revenus en ligne. La démocratisation d’Internet n’est pas propre à Wanadoo mais nous pensons que notre intérêt est d’aller dans ce sens là. La mission et les objectifs de Wanadoo s’intègrent parfaitement dans la volonté de France Télécom de déployer le haut débit sur l’ensemble du territoire français.

Quelle est votre part de marché et comment comptez-vous la maintenir malgré des tarifs peu compétitifs?
Nous détenons un peu moins de 50 % du marché. On est réaliste. S’il n’y avait pas eu de concurrence forte en France, le marché du haut débit ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Concernant nos tarifs, nous pensons que nous avons la gamme d’offres d’accès Internet la plus large du marché et qui permet à chacun d’y trouver le forfait adapté à ses besoins. Nous nous différencions par notre faculté à accompagner nos clients dans la découverte d’Internet. Par exemple, en leur proposant l’installation à domicile de la Livebox [le modem multifonctions proposé par Wanadoo, NDLR].

Les tarifs ne vont donc pas baisser?
Comme vous le savez, nous sommes tenus par les autorités de régulation, Bruxelles notamment (voir édition du 16 février 2004), à des contraintes de rentabilité qui nous obligent à avoir des tarifs d’un certain niveau. Nous préférons donc jouer la carte de l’offre la plus riche du marché et la façon de proposer l’Internet qui correspond le mieux au client. Nous nous différencions par le service, par la qualité du réseau, par l’assistance téléphonique… Autant de facteurs de qualité qui justifient le coût de nos produits

Contrairement à nombre de FAI qui ont remplacé la période d’engagement minimale par des frais de résiliation, Wanadoo engage son abonné pour un an. Peut-on espérer des évolutions dans ce sens?
L’engagement sur une période minimale nous permet d’équilibrer les investissements initiaux de réseau et d’infrastructure. Mais nous proposons également une offre sans engagement : le 512 Kbit/s à 5 Go maximum pour 19,90 euros par mois. Ce forfait a séduit un grand nombre de clients.

Ces derniers mois, les débits ont considérablement augmenté provoquant notamment la disparition du 128 Kbit/s du catalogue de Wanadoo. Quel est aujourd’hui le forfait standard en matière de haut débit?
On vend beaucoup de 512 Kbit/s. Ce forfait offre un débit suffisant tout en libérant la ligne téléphonique. Il répond donc à une exigence de confort d’utilisation. Mais les plus aguerris optent pour le 1 024 Kbit/s. Cela se voit particulièrement dans les forfaits associés aux offres de télévision par ADSL [Ma Ligne TV de France Télécom, ndlr]. Des trois débits proposés, le 512, 1 024 ou 2 048, c’est le 1 024 qui se détache. L’important, ce n’est pas de vendre des débits, mais de développer des usages : partage de photos (Wanadoo Album Photo), téléchargement légal et payant de musique (Juke Box) ou de films (Vidéos à la carte), jeu en ligne, visiophonie (Wanadoo Visio)…

Les 8 mégabits du forfait DébitMax ne séduisent pas?
Le DébitMax marche très bien. Au-delà des objectifs visés. Il séduit notamment pour ses débits en upload plus importants [256 Kbit/s contre 128 Kbit/s, ndlr] et les services intégrés dont l’antivirus et l’antispam. Lancé à Paris intra muros en fin d’année 2004, l’ADSL 2+ tarde à se généraliser sur le reste de la France du côté de Wanadoo.

Quand lancerez-vous l’ultra haut débit en national?
Nous sommes conformes au calendrier d’annonces. En effet, lors du lancement parisien, nous avons annoncé que l’offre commerciale serait étendue au niveau national cette année. Nous lancerons donc une offre commerciale au niveau national avant la fin de ce semestre. Cela demande des investissements en matière d’équipements. Selon un calendrier des déploiement réseau qui est en cours, nous allons également introduire cette année de nouvelles technologies telles que le Reach Extended ADSL (RE-ADSL) qui est en fin d’expérimentation technique. Cette technologie va permettre de gagner en portée et de toucher des clients qui jusqu’à présent n’avaient pas accès au haut débit.

D’ici la fin de l’année, 96 % de la population sera couverte en haut débit. Les 100 %, c’est pour quand?
Vous n’êtes pas sans savoir que, en raison de contraintes techniques trop grandes, certaines zones ne pourront jamais être couvertes par l’ADSL. Mais notre objectif reste que 100 % des Français puisse accéder au haut débit, même si ce n’est pas en ADSL.

Lors de la présentation des derniers résultats du groupe, vous avez annoncé avoir distribué 260 000 Livebox en Europe, dont plus de 230 000 en France. Le modem a rencontré des problèmes techniques en fin d’année dernière qui a mécontenté à la fois les utilisateurs et vos services d’assistance. Où en est-on aujourd’hui?
L’ensemble de difficultés rencontrées fin 2004 sont désormais résolues. Il ne s’agissait pas vraiment de problèmes techniques inhérents à la Livebox. Les problèmes survenus étaient essentiellement liés à l’activation de la voix sur IP, et ont été imputés à la Livebox. Aujourd’hui, le problème est réglé puisque l’activation se fait automatiquement. La Livebox en soi n’a pas plus de problèmes techniques qu’un modem classique alors qu’elle est beaucoup plus complexe. C’est un modem mais aussi un routeur qui supporte le Wi-Fi et le Bluetooth. Elle avait été conçue dès le départ pour être administrable à distance par la mise à jour logicielle. Malgré cette complexité, les taux d’appel et de retour en SAV restent dans le cadre de lancement d’un nouveau produit. Soit un contact par mois par client en moyenne. Parfois, les retours sont simplement liés à l’absence d’un élément dans la boîte comme le CD d’installation ou la notice. Je peux en tout cas vous affirmer que tous les clients qui ont installé la Livebox comme routeur Wi-Fi en sont totalement satisfaits. Parallèlement, beaucoup de formation a été faite au niveau des centres d’assistance téléphonique. Mais ils ont été submergés d’appel suite aux problèmes de voix sur IP. Ce qui a généré un mouvement de mécontentement qui peut se comprendre.

La Livebox participe-t-elle pleinement à la stratégie de développement de Wanadoo?
Oui, nous la considérons comme une passerelle domestique qui permettra de faire de l’Internet autrement qu’avec un seul ordinateur, notamment en y connectant des périphériques comme une imprimante, un appareil photo numérique, etc. L’idée est d’aller vers le monde de l’audiovisuel, avec MaLigneTV, notre service de télévision et de VOD sur la ligne téléphonique bien sûr, mais aussi en proposant des services de musique, de radio, des téléchargements, etc. Nous proposerons prochainement un label qui permettra de simplifier les connexions, notamment Wi-Fi, avec tout un ensemble de périphériques. Cela pourra être des téléphones (avec une garantie de qualité audio), des chaînes hi-fi, etc. Nous travaillons en ce sens avec des constructeurs et équipementiers audiovisuels. Au-delà de l’offre de divertissement, la Livebox a une vocation pratique, via des services de télésurveillance et de domotique, et professionnelle. La Livebox pourra notamment servir de point d’accès Wi-Fi à destination des cafetiers ou des cabinets dotés de salle d’attente, etc. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment sur le sujet.

La TNT sera lancée à la fin du mois. Neuf Télécom intègre l’offre à travers son décodeur et Free a annoncé qu’il diffuserait trois nouvelles chaînes issues de la TNT. Un projet similaire a-t-il été prévu pour la Livebox?
On y réfléchit mais nous ne donnons pas plus d’informations à ce stade. Notre offre multiservices « Internet, Télévision » intègre déjà la majorité des chaines gratuites et payantes de la TNT au travers des bouquets TPS et CANAL Comment voyez-vous le marché français de l’accès Internet évoluer dans un proche avenir?

Il est clair que l’on assiste à une montée en puissance des acteurs qui ont la capacité à dégrouper mais aussi à proposer des offres multiservices. Il y a un phénomène de concentration avec quelques acteurs qui émergent nettement. Free et Neuf Télécom notamment. Mais je ne saurais vous dire lesquels vont rester et lesquels vont disparaître.

(Article mis à jour le 18 mars 2005.)