L’évolution d’Apple masquée par son déficit

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Avec huit millions de dollars de déficit pour son premier trimestre fiscal, Apple ne fait, à première vue, pas mieux que le reste du marché de l’informatique. Mais avec 743 000 ordinateurs livrés, essentiellement des machines grand public, et 216 000 iPod dont plus de 50 % fonctionnant sous Windows, ces résultats trimestriels cachent une évolution impressionnante : la firme est en train de recruter de nouveaux clients et son nouveau système d’exploitation attire du monde.

Un coup d’oeil rapide sur les résultats du premier trimestre fiscal 2003 d’Apple ne suffit pas à comprendre les subtilités comptables du document. En annonçant une perte de 8 millions de dollars (7,61 millions d’euros) sur des opérations dites « exceptionnelles », la Pomme présente un bilan quasiment à l’équilibre. La perte est en effet principalement due à la fermeture du site de Singapour, l’une des trois usines qui appartenaient encore à Apple. Cette fermeture (dont le coût s’élève à 8,5 millions de dollars ? 8 millions d’euros) indique une poursuite de la politique d’externalisation de la production (voir édition du 16 novembre 2000), une pratique qui s’est généralisée à toute l’industrie et qui devrait rapidement porter ses fruits. Globalement, le chiffre d’affaires augmente de 7 %. Avec 1,472 milliard de dollars, la firme fait mieux que l’an passé (1,375 milliard de dollars) et cela mérite d’être souligné. A l’exception notable de Dell, peu de constructeurs présentent en effet des comptes en augmentation. Mais le plus étonnant n’est pas là : alors que l’ensemble des acteurs du secteur se plaignent de la conjoncture économique, Apple enregistre des volumes de vente stables d’une année sur l’autre et profite du phénomène pour augmenter son trésor de guerre, aujourd’hui passé à 4,4 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros). Avec 743 000 unités vendues entre octobre et décembre 2002, la société atteint presque ses ventes de 2001 (qui s’étaient établies à 746 000 unités), mais reste toutefois loin derrière les chiffres enregistrés début 2000 (plus de 1,3 million d’unités entre octobre et décembre 1999).

Dans le détail, les chiffres parlent davantage et indiquent que les consommateurs sont très clairement attirés par les offres Apple. Les ventes d’iMac et d’iBook sont en hausse. « Notre stratégie du hub numérique a marqué les esprits de nos clients, Mac OS X a séduit par ses qualités et nos iApps apportent une réelle valeur ajoutée à nos produits », souligne Jean-René Cazeneuve, le directeur général d’Apple France, en commentant les résultats financiers présentés la veille par Fred Anderson, le directeur financier de la société. « Et nous n’entendons pas nous arrêter là : 2003 va être l’année de Mac OS X, l’offre applicative va encore s’enrichir. » En fait, Apple reste dans la lignée de 2002 (voir édition du 12 juin 2001) et les chiffres témoignent de l’engouement non démenti d’une clientèle qui vient ou revient à la marque. « Nous ressentons fortement le renouveau de notre clientèle. Nous commençons à regagner des parts de marché dans le grand public et l’adoption de nos produits est plutôt rapide. L’iPod, notre lecteur MP3 dont plus de la moitié des acquéreurs sont issus du monde Windows, est dans ce domaine, très représentatif », précise encore Jean-René Cazeneuve. C’est d’ailleurs sur ce créneau qu’il va falloir suivre les chiffres présentés par Apple. Face à l’attentisme des clients traditionnels, en mal de nouveaux G4, cette manne de transfuges du monde PC pourrait faire le relais. Dans la chaîne américaine de magasins Apple, cette

nouvelle clientèle ou en tout cas un nombre croissant d’usagers qui se

tournent pour la première fois vers Apple, représentent désormais 50 % des

acquéreurs de Mac, soit 10 % de mieux qu’en septembre 2002.

Faiblesse sur le marché professionnel

Sur le marché professionnel, en revanche, le bât blesse ! Des chiffres se dégagent deux tendances : l’attentisme de mise sur le marché des Power Mac, mais aussi un engouement certain pour les serveurs et les portables professionnels. « Il y a une triple explication à ce phénomène », reprend Jean-René Cazeneuve. « Les échos rapportés par nos équipes sur le terrain le prouvent, nos clients traditionnels attendent la commercialisation de Quark Xpress pour Mac OS X. De plus, le marché publicitaire sinistré n’aide pas et il faut avouer que la conjoncture n’est pas aux investissements. Cela dit, nous parions sur un redémarrage de l’activité. » Les commentaires du directeur financier vont dans le même sens : « Nos clients ont fait passer leur cycle de mise à jour de 24 à 36 mois (?) Mais nous disposons cette année d’un pipeline de produits particulièrement forts. » Cela dit, si Apple a clairement une responsabilité quant à la stagnation des ventes de stations professionnelles, c’est du côté de la stratégie processeurs qu’il faut la chercher. Le Power Mac, dont on attend la mise à jour, ne sera sans doute pas revu en profondeur avant le tournant de l’été. Les clients d’Apple le savent et attendent un prochain modèle dont ils pensent déjà qu’il aura près d’un an de retard au moment de son lancement. Restent les Xserve et les PowerBook. Fred Anderson l’a confirmé : ces deux produits bénéficient de toute l’attention de la firme, notamment en termes de recherche et développement. Normal, me direz-vous, lorsqu’on sait qu’Apple dégage davantage de marge sur les segments de marché concernés. Au final, ce trimestre en demi-teinte, s’il confirme qu’Apple demeure l’un des seuls constructeurs informatiques à faire progresser ses ventes, met également en exergue une faiblesse du constructeur sur le marché professionnel. Et ce dernier de tabler sur une hypothétique reprise pour relancer ce versant de son activité ! En l’absence d’un nouveau Power Mac, ne reste qu’à lui souhaiter que l’avenir lui donne raison?