Michel Meyer – Viadeo : « Nous restons dans une phase d’investissements et de croissance forte »

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Interview du nouveau directeur général de Viadeo. Il aborde les priorités business pour développer le réseau social BtoB en France mais aussi en Chine et en Russie. Et la manière de se démarquer de LinkedIn.

En début de semaine, Viadeo annonçait la nomination de Michel Meyer au poste de Directeur général du groupe.

Ce pionnier du Net (avec la communauté MultiMania créée dans les années 90) avait rejoint l’équipe du réseau social professionnel dans le courant de l’automne 2012 au titre de Chief mobile Officer.

(Entretien téléphonique réalisé le 29 mai 2013).

ITespresso.fr : Quelle est ta nouvelle lettre de mission à la direction générale de Viadeo ?

Michel Meyer : Nous devons poursuivre l’accélération de nos activités sur les marchés émergents (Chine, Russie) mais aussi notre marché principal qui est la France (sur lequel on génère le plus de revenus), innover encore davantage et assurer une bonne intégration du mobile dans la stratégie du groupe.

ITespresso.fr : Ta nomination à la direction générale de de Vidéo entre-t-elle dans le cadre d’une ré-organisation plus grande du management ?

Michel Meyer : Il ne s’agit pas d’une ré-organisation. Ce poste de directeur général est nouveau chez Viadeo. Il n’y a pas de départ associé à ma nomination.

Dan Serfaty [co-fondateur et CEO de Viadeo, ndlr], qui habite en Chine, doit dépenser encore plus d’énergie pour développer nos activités dans les pays émergents. Il m’a demandé de l’épauler, d’encadrer les sujets prioritaires de manière plus globale et d’insérer plus de vélocité.

Pourquoi m’avoir choisi ? Je m’occupais jusqu’ici de la relance des services mobiles de Viadeo qui ont explosé. C’est un signal que l’on veut donner : la mobilité doit davantage s’inscrire dans la stratégie. Il s’agit vraiment de donner un coup d’accélérateur dans des pays comme la Chine.

ITespresso.fr : Justement, sur quels marchés émergents mettez-vous l’accent ?

Michel Meyer : En Chine, notre service local Tianji (acquis en 2007) est leader avec 15 millions de membres. Nous avons une équipe de 120 personnes sur place. Tianji a observé une croissance de 600% rien que sur le premier trimestre 2013.

En Russie, nous avons créé une co-entreprise avec Sanoma, un grand groupe média et presse (propriétaire de Vedomosti, le quotidien économique et financier de référence). On va davantage investir dans ce pays courant 2013.

Nous sommes également très actifs en Afrique du Nord avec un pays amiral qui est le Maroc (avec une équipe sur place également).

La zone Amérique latine est redescendue dans nos priorités. La pression concurrentielle est différente en raison de la forte influence des Etats-Unis.

ITespresso.fr : Dans quelle mesure le trafic des services mobiles de Viadeo augmente ?

Michel Meyer : En France, on a recensé 350 000 utilisateurs actifs mobiles sur le mois d’avril. C’est une audience multipliée par 4 par rapport à octobre 2012 [quand Michel Meyer a pris ses fonctions de Chief Mobile Officer, ndlr].

Nous observons une très forte rétention : environ 50% des utilisateurs reviennent régulièrement sur le service mobile.

En termes d’usages, c’est plus une question d’instantanéité sur le mobile par rapport aux consultations Web classiques. Jusqu’à présent, on s’est concentré sur les smartphones.

Dans les prochaines semaines, nous allons sortir notre application iPad. En France, le principal OS mobile est iOS (iPhone) mais Android monte en puissance. Nous sommes présents sur les principaux environnements, y compris les dernières versions Windows Phone et BlackBerry.

Nous abordons une phase de monétisation dans la mobilité. C’est sorti cette semaine : nous commercialisons un abonnement premium à l’intérieur des applications mobiles pour accéder à toutes les fonctionnalités du service Viadeo.

Par exemple, si un utilisateur souhaite consulter son profil Viadeo depuis son smartphone, il peut disposer d’une visualisation basique en accès gratuit. Pour aller plus loin (et connaître qui a consulté ton profil), il faut souscrire à un petit abonnement.

Précisons que c’est un abonnement unique : avec un accès mobile premium, on peut aussi accéder à toutes les fonctions sur le Web.

ITespresso.fr : Viadeo a-t-il atteint la rentabilité ?

Michel Meyer : On ne communique pas vraiment de chiffres. Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons un business model qui génère du cash. Et nous restons dans une phase d’investissements et de croissance forte.

ITespresso.fr : Quand envisagez-vous l’introduction en Bourse ?

Michel Meyer : Cela fait partie des plans mais nous n’avons pas enclenché de process structuré dans ce sens. Cela pourrait arriver dans quelques temps pour aller encore plus vite dans notre croissance et notre développement.

Nous n’avons pas la pression IPO pour des raisons de cash. En avril 2012, nous avons levé 25 millions d’euros.

ITespresso.fr : Comment vous distinguez-vous par rapport à LinkedIn ? Etes-vous meilleur en France que votre principal concurrent américain  ?

Michel Meyer : Bien sûr qu’on est meilleur en France. Viadeo recense 7 millions de membres. Nous avons une base conséquente et nous pouvons encore faire mieux en termes d’utilisateurs actifs.

En termes de positionnement, nous cherchons à être plus local que LinkedIn, acteur plus global et logiquement à forte influence américaine.

Pour être plus efficace, Viadeo va travailler davantage avec l’écosystème local en France (comme des partenaires de contenus par exemple). Idem dans les marchés émergents (Chine, Russie).

ITespresso.fr : Ressens-tu un déficit de notoriété entre les marques LinkedIn et Viadeo ?

Michel Meyer : C’est un bon sujet. LinkedIn dispose d’un avantage sur nous en termes de notoriété. Mais il est exploité par tous les services américains ancrés dans un mode de leadership global. Ils ont une sorte d’aura naturelle – au moins induite – qu’il faut contrecarrer.

Nous avons des projets assez ambitieux sur le sujet dans les mois à venir pour améliorer la situation.

ITespresso.fr : Que penses-tu de la polémique Dailymotion – Yahoo – Montebourg ? C’est intéressant comme analogie : Viadeo a le FSI dans son capital (tout comme Dailymotion avant son intégration dans le groupe Orange). Pourriez-vous être confronté à ce même type de dilemme pour développer des alliances à l’international…

Michel Meyer : Actuellement, Viadeo n’est pas dans le même type de démarche que Dailymotion, qui cherchait vraiment un partenaire.

A titre personnel, dans l’affaire Dailymotion, je dirais que Fleur Pellerin [ministre déléguée en charge des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, ndlr] a bien résumé la situation. En tant qu’actionnaire indirect (via Orange), l’Etat a le droit d’avoir un avis sur un éventuel rapprochement. C’est cohérent mais il aurait fallu rester dans le secret des négociations.

Le fait d’étaler ce débat sur la place publique n’a pas rendu service à l’entreprise concernée.

ITespresso.fr : Tu as développé la dimension communautaire avec MultiMania dès les années 90. N’est-ce pas ton rêve que Facebook a concrétisé ultérieurement ?

Michel Meyer : Quelque part, on était l’ancêtre du réseau social. J’en avais pas rêvé sous cette forme. Si on revient en arrière et si MultiMania était resté indépendant plus longtemps, on se serait orienté dans ce type d’axes de développement.

Le projet d’introduction en Bourse de MultiMania avait été un très bon choix à l’époque puis le rachat par Lycos Europe nous a enfermé dans un modèle qui n’était pas forcément le plus adéquat. Entretemps, Lycos Europe, qui a été fondu dans le groupe Bertelsmann, a disparu.

ITespresso.fr : Avec le recul, considères-tu que ce fût une occasion manquée ?
Michel Meyer : Un petit regret peut-être de n’avoir pas été plus loin.

ITespresso.fr : Changeons de sujet : tu es également « Coach Guitar ». Cela consiste en quoi ?

Michel Meyer : C’est un service d’apprentissage de la guitare à travers la vidéo lancé par des anciens de Kewego [plateforme vidéo co-fondée par Michel Meyer, revenue à Kit Digital, ndlr].

L’application « Coach Guitar » est disponible sur iPad et iPhone et commercialisée à travers le monde. J’ai co-fondé l’entreprise éditrice [ManoMaya] et je suis l’un des investisseurs de la société.

C’est la seule start-up dans laquelle j’ai investi, au-delà de mes fonctions chez Viadeo.

Viadeo : fiche d’identité
Date de création 2004
Co-fondateurs Dan Serfaty et Thierry Lunati
Nombre de membres dans le monde 50 millions
Effectif 400 collaborateurs : France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas, espagne, Italie, Russie, Chine (service local : Tianji), Inde (ApnaCircle), Mexique, Maroc, Sénégal
Fonds levés cumulés 39 millions d’euros en quatre tours de table
Investisseurs actuels FSI, Allianz, IDinvest partners, Ventech, Creadev, Agregator

 

 

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