Peer-to-peer : 50 personnes poursuivies en France

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Les producteurs français du disque ont fait le point sur les premières actions en justice menées à l’encontre d’internautes amateurs d’échanges de fichiers musicaux.

Répression, information, prévention. La stratégie de l’industrie musicale face au phénomène des réseaux d’échange de fichiers en peer-to-peer (P2P) ne varie pas. A l’occasion d’une conférence de presse donnée le 7 octobre à l’Olympia, le Snep (Syndicat national de l’édition phonographique), la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et Pascal Nègre, président d’Universal Music et seul représentant d’une major à la tribune, ont annoncé les résultats des premières actions judiciaires lancées en juin dernier à l’encontre d’internautes ayant téléchargé illégalement de la musique en ligne. Une annonce coordonnée au niveau européen où six pays mènent des actions similaires (lire encadré).

Ce premier bilan fait état d’une cinquantaine de poursuites en France, « dont la moitié a donné lieu à des interventions en justice », précise Marc Guez, le président de la SCPP. Les affaires actuelles débouchent sur des poursuites pénales ou civiles. Du fait de la lenteur des procédures dans les affaires pénales, celles-ci ne donneront pas de résultat avant l’été 2005. Les actions civiles devraient de leur côté aboutir rapidement à des suppressions ou suspensions de l’accès Internet des prévenus, comme le permet la charte contre la piraterie en ligne signée cet été entre les fournisseurs d’accès, les producteurs et le Gouvernement (voir édition du 28 juillet 2004). Quant aux internautes poursuivis au pénal, rappelons qu’ils risquent désormais jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende.

L’efficacité de la répression

Selon Marc Guez, le choix de poursuivre au pénal ou au civil dépend du nombre de fichiers incriminés : plus on partage de fichiers, plus on risque le pénal. Pour l’heure, il n’existerait pas de quota précis en la matière, même si le président de la SCPP situe les « gros » partageurs poursuivis au pénal dans une fourchette de 2 000 à 4 000 fichiers musicaux. Quant aux prévenus, « ce sont de jeunes adultes entre 20 et 30 ans qui ont tous un emploi, sauf un qui est chômeur », précise Marc Guez. Un ordinateur du comité d’entreprise d’une grande société française est également mis en cause.

Pour les représentants de l’industrie musicale, la stratégie répressive donne des résultats concrets. Selon les chiffres fournis par l’Ifpi (Fédération internationale de l’industrie phonographique), le nombre de fichiers musicaux mis en partage aurait baissé de 30 % entre juin 2003 et juin 2004, passant de 1,1 milliard à 800 millions. Et sur la même période, Kazaa aurait perdu 41 % de son audience, ce qui ne signifie pas que le nombre des échanges a également diminué. L’Ifpi reconnaît d’ailleurs que les échanges en ligne n’ont cessé d’augmenter. « Mais le trafic s’est déporté sur les fichiers vidéo et les jeux », avance Marc Guez, « l’industrie du cinéma est aujourd’hui confrontée au problème que nous connaissons depuis quatre ans ». Le président de la SCPP précise d’ailleurs que leurs efforts de surveillance ne portent plus seulement sur le réseau FastTrack (Kazaa) mais également sur eDonkey/eMule, BitTorrent, Bearshare (Gnutella), iMesh WinMS, OpenNap et DirectConnect.

Développement des offres légales

Quant au poursuites, notamment au pénal, elles servent surtout d’exemples pour inciter la grande majorité des utilisateurs à cesser les usages illégaux du P2P. « Informés, les utilisateurs devraient arrêter d’eux-mêmes leurs pratiques », explique Marc Guez. Pour Hervé Rony, « ces actions témoignent du fait que la lutte contre le piratage est un moyen et non une fin [et] il n’y a de bonne sensibilisation que s’il y a des sanctions ». Le directeur général du Snep en profite pour rappeler que les offres légales de musique en ligne ne cessent de se développer avec 140 plates-formes en Europe – dont 11 en France – et 400 000 titres disponibles. Il rejette totalement l’idée d’une redevance ou d’une licence qui permettrait aux internautes de télécharger librement, tout en jugeant « attractif » le tarif moyen de 1 euro par titre. Aucune remise en cause du modèle commercial n’est donc en vue, mais une volonté de « sortir de l’incompatibilité entre les appareils de lecture ». Une interopérabilité que les plates-formes d’échanges P2P offrent depuis toujours avec le format MP3.

La répression s’accompagnera d’efforts de sensibilisation dans les prochains mois, sous la forme de notifications directement adressées aux internautes. La SCPP s’apprête pour cela à utiliser des outils de traitement automatique dont la mise en place nécessitera l’accord de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Un accord qu’elle devrait obtenir facilement grâce à la nouvelle version de la loi « Informatique et libertés » votée cet été (voir édition du 30 juillet 2004).