Pour l’Internet, en voiture !

Mobilité

Avec le soutien d’un programme de recherche européen, plusieurs géants des télécoms et de l’industrie automobile planchent sur l’Internet à haut débit dans l’automobile et les transports publics. Mais le défi n’est pas que technologique?

Consulter la météo, les informations routières ou réserver une place de théâtre depuis sa voiture lancée en pleine autoroute, voilà ce que nous préparent plusieurs géants de l’industrie, avec la bénédiction de la Commission européenne. En effet, celle-ci finance depuis la fin de l’année 1999 le projet « Car Multimedia Platform », qui réunit notamment les centres de recherche de France Télécom, Deutsche Telekom, Nokia, BMW, etc. Le but : faire mûrir une technologie sans fil adaptée aux transports avec l’espoir de donner naissance à de vrais services interactifs pour le conducteur ou les passagers.

Des prototypes existent déjà. La plupart d’entre eux font appel à la technologie de télévision numérique terrestre DVBT (digital video broadcasting terrestrial). Pourquoi ? Parce qu’elle offre de bien meilleurs débits que le GSM ou le GPRS. A titre d’exemple, un canal TV peut actuellement transmettre des informations à 5 à 10 Mbits/s, contre une centaine de Kbits/s au maximum pour le GPRS. Ainsi, lors de la précédente Coupe du Monde de football qui s’est déroulée en France, la division audiovisuel TDF de France Télécom a présenté des services haut de gamme de télévision et d’accès Internet, le tout embarqué dans une voiture avec chauffeur. Selon Jean-Yves Savary, responsable du pôle télévision au sein du centre de développement CCETT (organisme rattaché à la fois au CNET et à TDF), le système destiné aux invités prestigieux assis à l’arrière fournissait un programme de télévision, avec évidemment « une sélection des plus beaux buts ». « Il y avait un PC et un trackball pour utiliser Internet », complète Jean-Yves Savary, qui reconnaît sans détour qu’il n’était pas toujours facile de se concentrer sur l’écran, d’autant que la position de l’utilisateur n’est pas aussi stable qu’assis devant un bureau.

Actuellement, les efforts encouragés par la Commission européenne concernent la standardisation des techniques de télévision numérique, appliquée à l’Internet mobile et aux transports. La technologie doit encore progresser, par exemple pour garantir la qualité du service. La communication ne doit pas être coupée lorsque le véhicule change de zone de transmission. Les piétons et les conducteurs (imprudents) qui utilisent un mobile GSM le savent, le cas est résolu depuis longtemps pour la téléphonie sans fil classique. Mais la vitesse ne semble pas poser trop de problèmes pour l’Internet sous DVBT. « A Rennes, nous avons une cellule qui conserve la diffusion dans les mobiles jusqu’à 440 km/h », explique Jean-Yves Savary.

A signaler que la technologie de radio numérique DAB est aussi en lice, même si ses débits sont inférieurs (de l’ordre de 1 Mbits/s). Pour en finir avec les tuyaux, il faut savoir que ces technologies concernent la réception de données. Pour les courtes séquences d’émission (upload) qui apportent la réelle interactivité (comme le clic sur un lien ou le lancement d’une requête sur une moteur de recherche), on couple le système au GSM ou au GPRS, actuellement en pleine effervescence (voir édition du 2 février).

Il y a peu, Nokia a présenté récemment un PC à écran portable extra-plat doté d’un décodeur MPEG-DVBT pour surfer sur la Toile et lire de la vidéo. Deutsche Telekom prévoit une expérimentation grandeur nature lors de la prochaine Exposition universelle cette année à Hanovre. Bref, chacun fourbit ses terminaux. Mais les constructeurs automobiles ne se ruent pas encore sur ces innovations, même si BMW figure parmi les membres du projet européen. Pourquoi ? Peut-être parce qu’un certain flou règne encore sur les services Internet qui doperont nos véhicules.

En voiture, il n’est pas évident que chacun se mette à vouloir surfer à tout crin. Certes, on peut proposer la réservation d’un hôtel ou de l’information locale, mais les passagers semblent préférer une activité moins active, comme regarder un programme vidéo. Les applications de téléguidage, d’affichage de carte interactive ont un réel intérêt, mais ils s’adressent là plutôt au conducteur. Le problème est plus aigu pour les transports en commun, où il faut trouver des services « de masse ». Dans un autobus, « on ne peut pas donner un clavier à tout le monde », résume Jean-Yves Savary. Bref, il faut imaginer toute une gamme de services, sans savoir si les futurs consommateurs en voudront. Cela dit, une petite partie de Quake en réseau durant un aller Paris-Strasbourg, cela n’aurait rien de désagréable… pour les passagers s’entend.