Chiffrement: le CNNum et la CNIL craignent une surchauffe politique

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Dans la lutte anti-terrroriste, le chiffrement est perçu par le gouvernement comme un outil malveillant. Le CNNum et la CNIL tentent de dépassionner le débat

Le Conseil national du numérique ne veut pas être écarté du débat à propos du chiffrement des communications électroniques, qui agite la sphère politique. De nouvelles mesures législatives pourraient aboutir à une limitation de son usage au nom d’une lutte anti-terroriste qui serait plus efficace.

Le risque de proposer de mauvaises solutions à un vrai problème est important, estime Mounir Mahjoubi, Président du CNNum. « Il n’est pas question de nier les enjeux de sécurité et l’urgence d’agir. Le chiffrement peut être utilisé par des terroristes mais il constitue surtout un élément essentiel de notre sécurité en ligne et, partant, de celle de notre pays. »

Le débat prend de l’ampleur alors que le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve rencontre demain (23 août) son homologue allemand pour soutenir une initiative européenne de lutte contre le terrorisme. Ce qui passerait par la limitation du chiffrement c’est-à-dire un affaiblissement du niveau de confidentialité assurée par ce biais.

Par auto-saisine, le CNNum prévoit donc de lancer à la rentrée des travaux dédiés à ce sujet. Car il existe un risque d’emballement, suggère l’organisation consultative censée aiguiller les pouvoirs publics dans les décisions politiques relative à la stratégie numérique au niveau national.

Le chiffrement serait perçu par le gouvernement comme un levier « facilitant la propagande et la préparation d’actes terroristes ». L’actualité récente le montre encore. Des actes terroristes ou tentatives d’assauts ont été préparés en recourant à des apps de messagerie instantanée avec des fonctions de chiffrement renforcées. La sulfureuse Telegram mais aussi WhatsApp sont souvent mises en cause.

Entre limitation du chiffrement ou généralisation des portes dérobées (backdoors), le CNNum craint une réaction surdimensionnée, aux dépens des citoyens et des entreprises et au mépris des libertés individuelles.

CNNum et CNIL main dans la main

Tous les membres du collège actif du CNNum, associés aux anciens présidents de l’organisation (Gilles Babinet et Benoît Thieulin en l’occurrence), mais aussi Isabelle Falque-Pierrotin (Présidente de la CNIL), ont co-signé une tribune dans Le Monde  diffusée le 22 août et intitulée : « En s’attaquant au chiffrement contre le terrorisme, on se trompe de cible« .

Tout en reconnaissant que la « situation sécuritaire est critique », les contributeurs estiment « que le chiffrement est tout à la fois remède ou poison selon qu’il tombe entre de bonnes ou de mauvaises mains ».

Ils considèrent que le fait de limiter le chiffrement reviendrait à « affaiblir le niveau de sécurité sur l’ensemble des réseaux » et que de telles mesures « auraient une efficacité toute relative sur l’infime minorité d’utilisateurs ciblés ».

Par conséquent, les co-signataires préconisent une coopération plus poussée avec les fournisseurs de produits et de services sécurisés dans l’accès judiciaire aux données.

Une tribune qui a été retweetée par Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au Numérique, via son compte personnel Twitter. Mais elle ne fait pas partie des personnalités ayant signé le texte publié dans Le Monde.

La solidarité gouvernementale n’est pas toujours évidente à maintenir sur des sujets sensibles comme le droit au respect de la confidentialité des échanges. On avait observé des crispations similaires lors des débats portant sur le projet de loi sur le renseignement.

(Crédit photo : archive ITespresso)

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