L’Europe et les Etats-Unis s’affrontent sur la gestion de l’Internet

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A l’approche du sommet de Tunis, la question de la gestion des noms de domaine oppose encore les Etats-Unis au reste du monde.

A six semaines de l’ouverture des débats qui se dérouleront à Tunis du 16 au 18 novembre 2005, le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) est-il voué à l’échec ? Les conclusions des travaux menés ces deux dernières semaines dans le cadre du Comité de préparation (PrepCom-3) pourraient le laisser croire. Notamment les propos de son secrétaire général, Yoshio Utsumi, qui déclarait en conclusion des réunions le 30 septembre : « Si nous voulons édifier une société de l’information juste et équitable, alors ce Sommet n’a pas le droit à l’échec. » Rappelons que le SMSI vise à promouvoir le développement des nouvelles technologies de l’information à travers le monde et particulièrement du côté des pays les plus pauvres.

Cependant, parmi les problématiques de spam, cybercriminalité, coûts d’interconnexion et surtout de gestion des ressources Internet (systèmes de noms de domaine et adressage IP) abordées lors des réunions préparatoires du SMSI, la question, pourtant primordiale, de la gouvernance de l’Internet est restée en suspens. Alors que les négociateurs européens, soutenus par les pays du Sud, demandent que le Réseau mondial soit pris en charge par les Nations unies, les Américains s’y sont fermement opposés. « De nombreuses délégations du monde en développement ont affirmé avec force qu’il était urgent de mettre en place de nouveaux mécanismes de gestion et de contrôle afin de mieux refléter la nature mondiale de l’Internet, mais d’autres délégations avec les Etats-Unis à leur tête ont constitué un front relativement uni favorable dans l’ensemble au maintien du statu quo », explique l’Union internationale des télécommunications (UIT), organisateur des rencontres, dans son communiqué.

Jusqu’à présent, seule l’Icann (Internet Corporation For Assigned Names and Numbers), société américaine privée à but non lucratif, créée en 1988, est habilitée à gérer l’Internet à travers, notamment, l’administration des domaines (.com, .net, .org, .info, etc.). Pourquoi laisser à une seule nation le pouvoir de décider du fonctionnement d’un outil partagé à l’échelle de la planète entière, notamment le mode d’attribution des blocs d’adresses IP et des noms de domaine pour chaque nation ?, s’interrogent légitimement les pays en voie de développement, ainsi que la Chine. Le risque étant qu’en l’absence de consensus, le SMSI de Tunis n’aurait plus de raison d’être puisque aucune des parties ne s’entendra sur les résolutions à voter.

Une troisième voie à explorer

Mais tout n’est pas perdu. Une troisième voie, ouverte par le Royaume-Uni deux jours avant la fin du PrepCom, pourrait permettre de trouver ce consensus. Au nom de l’Union européenne, la Grande-Bretagne propose un nouveau cadre de coopération internationale à travers un forum multipartenaire chargé de définir les politiques générales et particulièrement l’intervention des Etats dans l’attribution des blocs d’adresses IP. En bref, il s’agirait d’une organisation qui chapeauterait l’Icann en ce qui concerne la gestion des nouveaux noms de domaine de premier niveau. A cette proposition sont venues s’ajouter d’autres contributions qui devraient être étudiées juste avant le Sommet de Tunis par le PreComp-3 afin de trouver le consensus souhaitable qui permettra au SMSI d’atteindre ses objectifs.