Les moteurs de recherche tiennent la corde face à la Cnil sur le « droit à l’oubli »

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Comme Google et Microsoft, l’avocat général de la CJUE recommande de restreindre à l’Union européenne la portée du « droit à l’oubli » dans les moteurs de recherche.

Google remportera-t-il son combat contre la Cnil sur la question du déréférencement dans les moteurs de recherche ?

Les conclusions de Maciej Szpunar le laissent à penser.

À l’instar du groupe américain, l’avocat général de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) suggère que la portée territoriale dudit référencement soit limitée. Et non qu’il soit mis en œuvre à l’échelle mondiale, comme le demande l’autorité française.

Pour saisir les tenants et aboutissants de cette affaire*, il faut remonter au 13 mai 2014, date à laquelle la CJUE avait rendu un arrêt qui fait aujourd’hui jurisprudence.

Les individus et personnes morales ont depuis lors, sous conditions, le droit de solliciter, auprès des exploitants de moteurs de recherche, la suppression de résultats pointant vers des contenus qui les concernent.

Google considérait, à l’origine, que la démarche ne devait s’appliquer qu’aux versions européennes de son moteur de recherche (google.fr pour la France, google.co.uk pour le Royaume-Uni…).

La Cnil estimait, au contraire, que le moteur représentait un « traitement unique », ses extensions géographiques ayant simplement été mises en place pour s’adapter à la langue de chaque pays. Elle avait fini par mettre la firme de Mountain View en demeure.

Google ne s’était pas plié à la demande qui lui était faite de déréférencer des liens sur toutes les extensions de son moteur, la jugeant « disproportionnée » et porteuse de « graves effets dissuasifs » sur le Web.

Début 2016, la multinationale avait lâché un peu de lest, en acceptant le principe d’un filtrage géographique selon l’origine des recherches. Ceux qui consulteraient le moteur à partir du même pays d’origine que la requête ayant entraîné le déréférencement ne verraient plus le résultat concerné.

La Cnil avait jugé cette procédure insuffisante, que ce soit de par l’accessibilité des contenus pour les internautes situés hors UE ou l’existence de solutions techniques de contournement. Quelques semaines plus tard, elle avait infligé une amende de 100 000 euros à Google.

Ce dernier avait sollicité le Conseil d’État au nom de la supposée incompétence de la Cnil à sanctionner des traitements de données hors de son territoire. Les Sages s’en étaient remis à la CJUE.

« Internet est partout »

Les conclusions de Maciej Szpunar ne présagent pas l’issue du dossier : elles ont valeur de recommandation auprès de la CJUE.

L’avocat général reconnaît que le droit de l’Union peut, dans certains cas affectant le marché intérieur, avoir des effets au-delà des frontières des 28 États membres. Par exemple en matière de droit de la concurrence ou de droit des marques. Il affirme toutefois que « cette possibilité n’est pas comparable » pour Internet, « qui est mondial et se trouve partout dans la même mesure ».

Sa position tient également compte de l’intérêt légitime du public à accéder à l’information recherchée. D’après lui, si le déréférencement était mondial, les autorités de l’Union ne seraient pas en mesure de définir et de déterminer un droit à recevoir des informations. Et encore moins à les mettre en balance avec les autres droits fondamentaux de la protection des données et de la vie privée.

Maciej Szpunar note en outre que l’intérêt du public variera selon sa localisation géographique. Avec un risque de réciprocité : si on empêche des personnes dans un État tiers d’accéder à une info, ce même État tiers pourrait empêcher des personnes dans les États de l’UE d’accéder à l’info.

La possibilité de demander des déréférencements mondiaux n’est pas exclue, mais la présente affaire ne le justifie pas, explique l’avocat général, tout en validant l’idée du blocage géographique.

* Microsoft, qui édite le moteur de recherche Bing, est partie prenante au litige.

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