Plan Emploi : François Hollande face à « la révolution digitale ». Peut-il la maîtriser ?
Dans un monde où l’emploi change avec le numérique, François Hollande veut favoriser la formation et pousser des réformes sur le marché du travail. Et ça fait réagir.
C’est le dernier plan emploi de François Hollande avant la prochaine élection présidentielle. Et sa dernière chance « d’inverser la courbe du chômage ».
Un enjeu majeur car le taux de chômage en France métropolitaine se situe au plus haut depuis 1997 : 10,2% au 3ème trimestre 2015 (3 millions de chômeurs).
Les statistiques font réfléchir. Un million de chômeurs n’ont aujourd’hui pas le niveau du bac et 700 000 n’ont pas celui du CAP.
Sous cet angle, on comprend mieux pourquoi le Président de la République vient de présenter un nouveau plan en mettant l’accent sur la formation : 500 000 demandeurs d’emplois concernés seront concernés.
Le bouquet de nouvelles mesures (formation, embauche facilitée) représenterait un effort global de 2 milliards d’euros » financés sans prélèvement supplémentaire d’aucune sorte ».
Dans son allocution servant de vœux aux acteurs de l’entreprise et de l’emploi, François Hollande a insisté sur l’innovation multi-sectorielle et la « révolution digitale » qui nécessite des réformes sur le marché du travail. Car « des formes nouvelles d’emplois et d’activités » surgissent.
Entre opportunités et risques… la révolution numérique pourrait contribuer, en cinq ans, à la disparition de 5 millions d’emplois dans le monde, selon un rapport diffusé par le World Economic Forum (WEF), organisateur du prochain Forum Economique Mondial de Davos.
Les prochains projets de loi défendus par Emmanuel Macron (ministre de l’Economie) et Myriam El Khomri (ministre du Travail) – peut-être fondu en un seul texte en raison du calendrier chargé du Parlement – apporteront des pistes.
« De nouvelles puissances économiques émergent, en quelques années des entreprises ont acquis une taille mondiale, le numérique bouleverse le modèle productif, des services nouveaux diffusent et se diffusent sans limite, des secteurs entiers d’activités sont bouleversés par ce qu’on appelle l’économie collaborative », déclare le Président de la République.
Le chef de l’Etat a pris position pour un accroissement des niveaux de qualification des salariés quel que soit leur âge par la formation et l’éducation.
« C’est une condition essentielle pour que le plus grand nombre puisse bénéficier des opportunités portées par les nouvelles technologies et pour que les jeunes soient orientés vers les métiers de demain. »
Lorsque l’on lit le discours de François Hollande, on a l’impression d’assister à la renaissance du débat sur la flex-sécurité. « L’objectif, c’est plus de liberté pour l’entreprise pour investir, pour innover, pour créer des emplois, mais aussi plus de liberté pour le salarié pour choisir son métier, sa formation, la conduite de sa vie professionnelle », prône-t-il.
« L’objectif, c’est aussi plus de sécurité pour l’entreprise, pour embaucher, pour adapter son effectif lorsque les circonstances économiques le demandent, mais aussi plus de sécurité pour le salarié face aux mutations et à la mobilité. »
Pour l’entreprenariat, François Hollande emprunte une formule à son ministre de l’Economie Emmanuel Macron : « Pour beaucoup de jeunes (…), il est plus facile de trouver un client que de trouver un employeur. »
Un effet de la fameuse « ubérisation » un brin galvaudé car chacun reprend cette expression à son compte mais elle n’a pas été reprise dans le discours de François Hollande.
« Développer le travail indépendant et la création d’entreprise, ce n’est pas mettre en cause le travail salarié. C’est donner à celles et ceux qui ne trouvent pas de débouché une voie supplémentaire d’entrer sur le marché du travail et de réussir leur vie. »
François Hollande appelle les régions à soutenir et à s’investir dans ce programme à travers un appel d’offres qui sera lancé au niveau national et des expérimentations de terrain.
« Il faudra faciliter encore toutes les créations d’entreprise. Tous les entrepreneurs, quel que soit leur statut et les artisans bénéficieront de la simplicité d’un nouveau régime », a déclaré le Président de la République.
On peut s’attendre donc à la remise en cause du statut d’auto-entrepreneur, comme le suggérait La Tribune dans son édition du 14 janvier.
Réactions : Entre « mesures encourageantes » et « jeu de dupes »
Dans les premières réactions reçues par la rédaction figurent celle de la CGPME qui retient certaines mesures encourageantes comme la « baisse de charges pérenne » susceptible d’accélérer « certaines embauches ».
Le fait de voir le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) basculer en baisse de charges est bien perçue. « Le plafonnement des indemnités en cas de condamnation prud’homale s’inscrit dans cette même logique visant à lever la peur de l’embauche en donnant davantage de visibilité aux employeurs », considère la CGPME.
D’autres n’y voient qu’un « jeu de dupes et effets d’aubaines ». C’est le cas de Christian Person, entrepreneur et fondateur d’Umalis (portage salarial) et Président du Club des Entrepreneurs de Croissance (on cherche encore le site Web).
« Investir ces deux milliards d’euros dans une simplification et une digitalisation des procédures sociales et administratives françaises aurait été une mesure bien plus efficace. Encore une fois, les réformes structurelles qui s’imposent ne sont pas faites. »
Difficile de faire le tri entre les avis objectifs et ceux qui cachent des arrière-pensées politiques alors que l’élection présidentielle se profile.
Les pistes d’acteurs de l’IT
De manière opportuniste, Qapa.fr, « plateforme digitale de travail en France », émet 5 propositions « simples à mettre en place et immédiatement efficaces pour lutter contre le chômage des jeunes ».
Stéphanie Delestre, co-fondatrice du site de recrutement, les énonce en empruntant le langage Yoda: « La rémunération des apprentis, tu simplifieras ! », « La limitation du nombre de stagiaire en entreprise, tu supprimeras ! » (pour les entreprises de moins de vingt salariés, il est désormais interdit de signer plus de trois conventions de stage simultanément), « Les charges pesant sur les TPE/PME, tu allègeras ! » , « L’insertion, tu privilégieras ! » et « Un rapport de stage efficace, tu rédigeras ! »
Ce matin, sur BFM Business, Hugues Hansen, fondateur de www.emploi.cafe (qui gère aussi l’incubateur de La Poste du nom de Start’inPost), expliquait comme son portail qui agrège 37 plateformes (pour les mises en relation des particuliers ou auto-entrepreneurs avec des clients) propose à des travailleurs moins qualifiés de trouver des emplois à la demande.
Dans le même acabit, il faut également rappeler les efforts fournis par des structures comme l’Ecole 42 de Xavier Niel qui essaie de remettre sur l’étrier des jeunes sans diplômes en les formant à la programmation informatique…
A travers son projet de Grande Ecole du Numérique présenté à la rentrée scolaire de septembre 2015, François Hollande s’est inspiré du concept soutenu par Xavier Niel (fondateur et dirigeant d’Iliad-Free) pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, en particulier ceux n’ayant pas de formation, ayant quitté tôt le cursus scolaire ou en voie de reconversion.
Tout reste à défricher pour trouver les meilleures solutions qui permettraient à la France de redresser la tête en matière de politique d’emploi.
(Crédit photo : Elysée.fr)