Télécoms d’entreprise : Orange en fait-il trop ?

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La question de la vraie ouverture du marché des télécoms d’entreprise était au centre d’une conférence Keyyo (téléphonie sur IP). La présumée position dominante d’Orange perturbe-t-elle le business ?

Qu’est-ce qui cloche dans le secteur des télécoms d’entreprise ? On sent monter une vague de contestation parmi les challengers d’Orange.

Motif : malgré la libéralisation progressive du marché des télécoms en France qui  a démarré en 1998, l’ex-opérateur historique garderait une position dominante qui déstabiliserait le marché global.

SFR Business Team se montrerait assez virulent sur le sujet. Mais ce n’est pas le seul à mener ce combat.

Mardi matin, Keyyo organisait une conférence de presse qui donnait le ton : « Télécoms d’entreprise : à quand l’ouverture à la vraie concurrence ? »

Ce spécialiste de la téléphonie IP avait plus envie de parler de ce déséquilibre que de sa nouvelle Box Entreprise.

Alors quid du billet confidentiel diffusé fin mai par la Lettre A évoquant une enquête de l’ARCEP  « qui scrute la manière dont France Telecom domine le marché des services aux entreprises, à travers sa filiale Orange Business Services » ?

L’ARCEP et le groupe Orange avaient refusé de commenter l’information sur le coup.

« Nous n’avons pas engagé d’action spécifique », commente Philippe Houdouin, P-DG de Keyyo, lors de la conférence de presse. « Il s’agit plutôt d’un travail de pédagogie et de sensibilisation. »

Toutefois, le manager reconnait qu’il a « rencontré » Jean-Ludovic Silicani et Benoît Loutrel (respectivement Président et Directeur général de l’ARCEP) à ce sujet.

Statistiques de marché à l’appui. Ainsi, l’Idate fournit une répartition des forces en présence par chiffre d’affaires.

Sachant que le marché des télécoms d’entreprise est évalué à 25 milliards d’euros.

Sur la foi de plusieurs sources*, Guillaume Goudard, Analyste à l’Idate, évalue la part de marché d’Orange Business Services à 63%, le premier challenger SFR Business Team détiendrait une part de marché de 21%.

Puis vient Bouygues Telecom (6%), Completel et Colt (part similaire à 3%).

De manière plus affinée, le marché de la téléphonie fixe (hors box) resterait dans les mains d’Orange (77%).

Pour le segment des entreprises de 0 à 50 salariés, les intervenants évoquent même un trust de 90%.

« Seules les grosses PME regardent une alternative », considère Guillaume Goudard, qui reconnaît parallèlement que la bataille est plus rude sur la partie des offres mobiles.

Mais l’influence d’Orange est sous-jacente en fonction des angles pris. « Plus de 7 PME sur 10 sont équipées de box font confiance à l’opérateur historique », note l’analyste de l’Idate.

Sur les offres d’accès data/Internet, le groupe France Telecom – Orange occuperait une « position dominante » selon l’Idate « particulièrement sur le milieu de marché ».

SFR disposerait d’une part de 10% dans le segment PME. Son rapprochement avec feu l’opérateur Neuf Cegetel avait permis de prendre la main sur une force de vente directe ciblant ce profil d’entreprise (50 salariés).

Mais les efforts de consolidation ne sont guère récompensés sur les télécoms d’entreprise.

C’est même rageant : SFR serait talonné par Free qui ne fournit pourtant aucun effort de communication pour toucher les entreprises et qui n’exploite pas de déclinaison Freebox Pro.

Après avoir dressé ce tableau, on constate que l’on peut évoquer une position dominante d’Orange qui n’est pas contestable.

Mais de là à évoquer un abus de position dominante, c’est plus subjectif.  L’Autorité de la concurrence aurait-elle son mot à dire ?

Des comportements liés à la « force de l’habitude » sont difficilement palpables : par réflexe et par sécurité, une entreprise choisirait d’emblée Orange qui garde l’image rassurante d’opérateur historique doté d’un bon réseau de distribution de proximité.

C’est la solution de facilité pour éviter d’éventuels soucis avec des prestataires alternatifs dont les assises seraient plus fragiles.

De manière plus incisive, Philippe Houdouin de Keyyo plaide pour un « ré-équilibrage du marché des télécoms ».

« On a besoin d’un meilleur accès aux réseaux des opérateurs du marché de gros avec des tarifs d’interconnexion qui se rapprochent des coûts. »

Il souligne le problème de la « réplicabilité des offres ». « Il est essentiel d’avoir accès à des offres de gros nous permettant de concurrencer les offres de détail des opérateurs réseau. »

Autre reproche à l’encontre des grands opérateurs : les durées de contrat en téléphonie d’entreprise qui peuvent s’étendre jusqu’à 5 ans. « Des clauses qui pourraient faire l’objet d’une attention particulière de la part de certaines autorités. »

Ces pratiques tendraient à « ralentir l’arrivée de la vraie concurrence ».

Néanmoins, Philippe Houdouin a pris également le soin de ne pas enfoncer Orange et SFR en raison des passerelles établies avec les deux opérateurs réseaux pour proposer des liens DSL redondants aux clients de Keyyo.

Entre résistance et dépendance…

* Les données Idate sont établies à partir de rapports annuels des opérateurs, de données financières publiques et retraitement par l »institut d’études dédiées au secteur télécoms – médias – technologie qualifié de DigiWorld

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(Credit photo : Shutterstock.com –  Copyright : Joggie Botma)

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