Les poursuites judiciaires de la RIAA sont-elles efficaces ?

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Le téléchargement de musique en ligne n’a pas fini de donner du fil à retordre à la RIAA, qui engage de nouvelles poursuites contre une quarantaine d’internautes indélicats. Un goutte d’eau dans l’océan des amateurs de peer-to-peer.

La RIAA (Recording Industry Association of America) poursuit ses poursuites. Après une première série de 261 plaintes contre des amateurs hyperactifs d’échanges de fichiers musicaux en ligne (voir édition du 9 septembre 2003), suivie d’une autre visant 204 personnes (voir édition du 20 octobre 2003), le représentant de l’industrie musicale américaine a enchaîné cette semaine avec 41 nouvelles attaques. Parallèlement, l’association aurait envoyé 90 lettres d’avertissement à des internautes, les menaçant de poursuites s’ils ne cessent pas leurs pratiques d’échanges en ligne.

Selon la RIAA, la stratégie de poursuites judiciaires porte ses fruits sur au moins un point : les internautes n’ignorent plus que télécharger de la musique protégée par des droits de propriété intellectuelle, sans détenir d’autorisation d’exploitation ou de diffusion, est parfaitement illégal. Un constat qui s’appuie sur un sondage réalisé par le cabinet d’étude américain Peter D. Hart Research Associates. D’après les résultats, 64 % des Américains ont désormais conscience du caractère illégal de l’utilisation des réseaux d’échange peer-to-peer (P2P) pour acquérir des chansons normalement commercialisées, alors qu’ils étaient 37 % en novembre 2002. Il est vrai que les mises à exécution des menaces de la RIAA ont fait beaucoup de bruit dans la presse. D’importantes campagnes d’information à caractère pédagogique avaient également été orchestrées par la RIAA à travers les Etats-Unis l’été dernier.

Fréquentation en baisse

Les téléchargements diminuent-ils pour autant ? Difficile à dire. Plusieurs études font état de la baisse de l’utilisation de Kazaa, le logiciel de P2P le plus utilisé. Nielsen/NetRatings estime notamment à 41 % la baisse de fréquentation du réseau de Sharman Networks entre juin et septembre 2003. Une baisse d’activité essentiellement due aux vacances scolaires, affirment les contradicteurs. L’éditeur annonce, sur son site, 2,8 millions de téléchargements de son logiciel d’installation la semaine passée. En septembre, il frôlait encore les 4 millions. Il est vrai également que des solutions simples et légales d’achat de musique en ligne (via iTunes Music Store, Napster, MusicMatch…) sont apparues entre-temps et peuvent inciter certains – notamment les parents des enfants avides de musique numérique – à passer dans le camp de la légalité.

Mais la baisse du trafic de Kazaa et des principales applications concurrentes (Morpheus, Grokster, iMesh, etc.) cache peut-être une migration des utilisateurs vers d’autres solutions logicielles plus difficiles à appréhender, comme eMule. C’est notamment sur ce type de réseau que Mach 6, le nouvel album de Mc Solaar, a circulé avant sa sortie commerciale (voir édition du 26 novembre 2003), et ce malgré la stratégie de prévention des fuites mise en place par la maison de disques Warner (voir édition du 24 novembre 2003). Toujours est-il que, sentant le vent tourner, les éditeurs d’applications P2P cherchent des solutions pour protéger leurs utilisateurs. Selon la presse américaine, StreamCast Networks aurait annoncé son intention d’intégrer la gestion de serveurs proxy dans la prochaine version de Morpheus. Couche supplémentaire, bien qu’imparfaite, pour protéger l’identité des utilisateurs.

750 dollars d’amende par chanson

La bataille est donc loin d’être gagnée pour la RIAA. Sauf contre quelques dizaines d’individus (à comparer aux millions d’utilisateurs de réseaux P2P) pris dans les mailles de l’association. Celle-ci aurait passé des accords avec 220 personnes qui auraient accepté de payer 3 000 dollars, en moyenne, de dédommagements en échange de l’abandon des poursuites. Un montant exorbitant aux yeux de certains mais dérisoire face aux amendes pénales encourues, lesquelles s’élèvent à 750 dollars par chanson minimum. D’autre part, l’association lobbyiste précise avoir obtenu l’engagement de 1 054 internautes de cesser leurs échanges en ligne et détruire tous les fichiers illégaux stockés sur leur disque dur, contre l’abandon de poursuites judiciaires. A notre connaissance, aucun procès en la matière n’a encore été ouvert.