Lutte antipiratage : le rapport Lescure fait l’inventaire de la réponse graduée

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Entre assouplissement des règles visant le téléchargeur pirate et une absorption de la Hadopi par le CSA, le rapport Lescure dresse un bilan en demi-teinte de la riposte graduée initiée sous la présidence Sarkozy.

Le rapport Lescure sur la culture à l’ère numérique préconise un « allègement » du mécanisme de réponse graduée dans la lutte antipiratage numérique.

Il dresse un bilan mitigé de la Hadopi qui serait absorbée par le CSA.

Mise en oeuvre à partir d’octobre 2010, la réponse graduée est montée progressivement en puissance, mais n’a débouché, à ce jour, que sur un très faible nombre de condamnations.

Le bilan de la réponse graduée, » moins de trois ans après son entrée en vigueur effective », est en « demi-teinte », peut-on lire dans le rapport gouvernemental dont le contenu et les propositions ont été dévoilées hier.

« Les critiques virulentes dont elle a fait l’objet, quoique non dénuées de pertinence, paraissent excessives », précise le rapport Lescure. « Son caractère répressif a été en partie exagéré. »

Le bilan est maigre : « la réponse graduée n’a donné lieu, à ce jour, qu’à deux condamnations effectives (…) En revanche, la sanction de la coupure de la connexion Internet, bien qu’elle n’ait jamais été appliquée, contribue fortement à l’image répressive dont souffre le dispositif. »

Sa réelle efficacité est contestable : le recul du P2P s’est-il accompagné d’une progression de la consommation licite ou a-t-il été compensé par le développement d’autres formes de « piratage » ?

Les statistiques disponibles tendent ainsi à prouver que le recul du téléchargement de pair à pair, probablement lié pour partie à l’efficacité de la réponse graduée, a davantage profité aux autres formes de consommation illicite qu’à l’offre légale.

Néanmoins, le rapport Lescure refuse de faire machine arrière toute.  « Abroger purement et simplement la réponse graduée, alors qu’elle vient à peine d’atteindre son régime de croisière et qu’elle a d’ores et déjà produit, sur le périmètre qu’elle couvre, des effets significatifs, n’aurait guère de sens », considère la mission.

Un retour pur et simple au droit commun de la contrefaçon ne serait pas souhaitable.

Les tribunaux seraient conduits à sanctionner pour l’exemple un petit nombre de contrevenants, au terme d’une procédure lourde et coûteuse, à des peines disproportionnées au regard de la banalité des faits en cause.

Même si la « logique pédagogique inhérente à la réponse graduée manque de pertinence », il vaut mieux « préserver les acquis positifs ».

Alors, tout en faisant l’inventaire de la Hadopi, comment alléger ce dispositif pour « le rendre plus acceptable » ?

Le rapport Lescure émet deux pistes : l’une d’un point de vue des internautes citoyens, la deuxième d’un point de vue institutionnel.

On abrogerait donc la peine de suspension de l’abonnement Internet pour la remplacer par « une sanction administrative » : le montant de l’amende, qui peut aujourd’hui atteindre 1500 euros, pourrait être ramené à une somme forfaitaire de 60 euros, « éventuellement majorée en cas de récidive ».

Plus impliquant dans la gestion des contenus sur Internet : dissoudre la Hadopi comme autorité administrative indépendante et intégrer la mission de la réponse graduée au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).

Attention, ces manœuvres ne sont pas à interpréter comme un signe de laxisme vis-à-vis de la contrefaçon lucrative : « les sites qui font de la contrefaçon leur cœur de métier sont souvent très rentables. Beaucoup d’entre eux entretiennent des liens étroits avec la criminalité organisée », peut-on lire dans le rapport.

Un point que la Hadopi avait déjà soulignée dans un rapport précédent.

« Les responsables de ces sites devraient être les premières cibles d’une politique de protection du droit d’auteur sur Internet », estime la mission Lescure.

« L’arsenal pénal existant offre d’ores et déjà l’ensemble des instruments nécessaires pour poursuivre et sanctionner ces pratiques ; il ne semble pas nécessaire de le renforcer davantage. » Néanmoins, une dimension d’auto-régulation est souhaitable, impliquant les intermédiaires techniques et financiers de « l’écosystème Internet »(hébergeurs, moteurs de recherche, services de paiement, acteurs de la publicité en ligne, FAI et opérateurs de nommage).

Et ce, sans toucher au statut d’hébergeur. « Une révision de leur statut, visant à modifier leur définition ou leur régime de responsabilité, ne paraît ni souhaitable ni nécessaire : outre qu’elle a peu de chances d’être acceptée par les autres États membres de l’Union européenne, elle aurait une portée très générale et ses conséquences dépasseraient largement la question de la protection du droit d’auteur. »

Tout en poursuivant : « En revanche, sans modifier l’état du droit, les bonnes pratiques peuvent être encouragées, afin de mieux assurer le respect des droits des créateurs. »
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Crédit photo : Shutterstock.com –  Copyright : Barna Tanko

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